Bien que la conception de Sowell est intéressante, je pense que cette vidéo passe à coté de ce que signifie l'économie politique aux yeux d'une partie importante des universitaires qui s'y intéressent. Historiquement, la rupture entre l'économie politique et l'économie néoclassique/marginaliste/autrichienne c'est d'arreter de penser l'économie en terme de classes sociales. Pour l'économie politique, il s'agit de penser l'allocation des ressources entre ces classes sociales (rente, capital, travail). Par exemple, c'est ce que Ricardo avait admirablement bien fait pour défendre un modèle qui attribue plus de ressources au capital et moins aux rentiers (propriétaires terriens). Ceci n'était évidemment pas neutre politiquement dans le contexte de l'époque car les propriétaires terriens étaient encore très dominants politiquement et légiferaient à leur avantage. Donc j'ai pas l'impression que Sowell fait vraiment de l'économie politique dans le sens de cette définition. Je dirais que l'économie politique parle effectivement d'allocations des ressources mais pas de manière abstraite, elle le fait à partir des classes sociales définies par les rapports économiques.
Il convient de noter que "la rareté" dont parlent les économistes est souvent abstraite des conditions matérielles et sociales qui font que tel objet est demandé. Les objets et services ne sont jamais désirables en soi (sauf la nourriture, les vêtements, le logement et les soins... encore que, même dans ces consommations, il existe des échelles statutaires). Le besoin (certains rechignent à parler de besoin mais ça les regarde) de consommations non essentielles à la survie est essentiellement mimétique (cf Veblen: Théorie de la classe de loisir). Ce sont les classes supérieures qui décident (par le biais de leur rayonnement statutaire) de ce que les gens doivent désirer. Ils finissent en effet par le désirer et à faire leurs ces besoins. Mais il me semble que réifier "les désirs des individus" comme si on parlait de monades métaphysiques désocialisées et hors du temps pose problème. Si les individus sont "contraints par la réalité" dans leurs choix de consommation (et qu'ils peuvent en ressentir une certaine frustration), c'est parce que la société leur rend certaines consommations désirables, mise à disposition qui compense une activité professionnelle dans laquelle peu s'épanouissent. On peut d'ailleurs penser que les individus consentent à ce système mais ce n'est là que chimère (Cf La Société Ingouvernable de Grégoire Chamayou. Notamment sur le concept de Micropolitique vers la fin du livre, qui montre comment le consentement à la société marchande "libre" est extorqué; extorsion qui est théorisée et qualifiée comme tel par les néolibéraux). Je n'ai pas grand chose contre ta vidéo. Simplement contre la tendance de l'économie à s'abstraire des autres sciences sociales (si tant est que l'on puisse qualifier l'économie de science .... ce dont on peut douter puisqu'elle a des fondements normatifs au coeur même de l'analyse qu'elle mène . Cf L'Empire de La Valeur de André Orlean) en partant de postulats qui ne peuvent que valider l'ordre en place. Ceci dit, ta vidéo était moins idéologique que d'habitude. On peut néanmoins noter que la quasi omniprésence de Thomas Sowell, économiste et intellectuel conservateur, dans tes vidéos trahit tes penchants idéologiques libéraux. Ce qui ne pose pas en soi de problèmes particuliers mais qui montre tout simplement que tu es assez peu au fait des travaux en anthropologie, en histoire, en sociologie (et même en sociologie économique, discipline qui remet violemment en question l'existence de l'économie comme une discipline autonome, flottante et déconnectée des autres sciences. Il est d'ailleurs intéressant de voir à quel point 'il n'y a pas discipline plus hermétique aux autres savoirs que l'économie, ce qui réduit sa pertinence analytique à quasi 0) et en philosophie morale, politique et sociale (je parle de ce qui se fait de plus pertinent dans le domaine. Car la morale de Kant est un classique, elle n'en n'est pas pour autant à chier et rejetée par les chercheurs sérieux dans le domaine). L'illustration que tu montres par exemple à 4:14, selon laquelle une société de gauche et libertaire (les confusions avec l'anglais qui ne distingue par entre libertaire donc anarchiste et libertarien sont fréquentes mais si une société est "de gauche" et "libertarienne" je dirais qu'elle est libertaire) ce serait "le laissez-faire" pour les riches et "les subventions pour les pauvres". Cela traduit une méconnaissance des travaux en anthropologie (sinon de ta part, de la part de la personne qui a fait cette image), qui conduit à réifier les leviers d'actions actuels comme si ils avaient toujours existé. Parce que dans une société libertaire, peu de gens seraient prêt à aller bosser pour zara pour survivre, et donc Amancio Ortega ne serait pas aussi riche voire à peu près au même niveau que npq... Plein de choses peuvent encore être dites sur cette image mais bon. Pas que ça à faire.
Tu m'as démasqué ! Oui, j'ai des des penchants idéologiques libéraux que je n'essaye pas vraiment de cacher. A titre personnel, je ne vois pas l'économie comme séparée et autonome par rapport aux autre sciences humaines. D'autant plus que quand il s'agit d'économie politique, la question devient très vite juridique et il faut alors prendre en considération autant de savoir que possible. Je ne suis pas convaincu non plus, que la majorité des économistes ne s'intéressent pas aux autres disciplines ni quel soit la discipline la plus hermétiques. Ses opposants, et tous ceux qui voit en l'économie politique une forme d'idéologie, n'en veulent pas par contre, je ne crois pas que la réciproque soit aussi vrai. (A creuser) Concernant la question de la "rareté", la définition que Sowell en donne via Robbins, me semble à la fois matérialiste et englobante. Il n'y a pas besoin de se demander pourquoi ce bien devient "rare" ou pourquoi il est "rare". En tout cas, c'est une autre question, tu ne crois pas? Pour l'image à 4:14, désolé, c'est un meme, et c'est vrai que le cadrant vert est plus compliqué à simplifier en 6 mots tout en faisant consensus même dans sa caricature. Si t'as une formule plus courte que la mienne ou équivalente et qui te plais plus, je suis preneur. En tout cas, malgré tous mes défauts, je te remercie d'avoir regardé cette vidéo et de participer aux discussions que je mets en place à ma toute petite échelle!
@@PHactuellementNeutre Quand je dis que "l'économie" ne s'intéresse pas aux autres sciences humaines (et en fait aux autres sciences en général...si elles ne disent rien qui permette de maximiser une "utilité" quelconque) je ne parle pas de tous les économistes. Il existe évidemment des économistes dits hétérodoxes, mais on ne va pas se cacher que c'est clairement les économistes d'influence néoclassique qui ont le vent en poupe et qui pèsent sur les politiques économiques (ce qui n'est pas en soi un problème, pour l'instant j'essaie juste de décrire). Là oú, par contre, on peut je crois dire que l'économie (néo)classique a des fondements idéologiques et normatifs c'est justement chez ses fondateurs les plus éminents. Léon Walras par exemple analyse le marché (et les influences qui pèsent sur les agents) de façon désocialisée et il l'assume dans ses textes: il veut écarter tout le brouhaha social qui pourrait nuire à la rationnalité individuelle. De ce fait, son analyse ne décrit pas la réalité (il le sait bien) mais ce qu'il voudrait que la réalité soit...c'est pour ça que les économistes ont longtemps cherché "les conditions de l'équilibre des marchés en concurrence pure et parfaite". Mais au delà même des bases théoriques, les auteurs (neo)classiques et ceux influencés par les néoclassiques ont eu un poids normatif considérable pendant le 20e siècle et continue d'en avoir un. Au premier rang desquels Milton Friedman (idéologue s'il en est), qui soutenait Pinochet au nom de l'efficacité économique du Chili. On peut aussi citer Hayek et d'autres, qui avec sa théorie d'un ordre spontané du marché, soutient néanmoins la répression violente dans des cas exceptionnels au nom de "la liberté" des acteurs (paradoxe entre un ordre qui serait spontané, et des préconisations politiques pour justement revenir à "l'ordre spontanné")...nul besoin de préciser qu'il s'agit de la liberté économique des plus dotés. En fait, dans le cadre des postulats théoriques de l'économie néoclassique, on peut considérer que l'économie orthodoxe est pertinente. Mais si les postulats ne sont pas réalistes et teintés de velléités politiques, on peut en dire ce qu'on veut mais il me semble qu'à ce moment le statut d'objectivité de l'économie orthodoxe paraît chancelant (parce que ce n'est pas parce qu'il y a des chiffres quelques part que l'on est dans l'objectivité la plus totale. Il faut interroger les chiffres et leur construction) Pour ce qui est des autres sciences sociales (comme la sociologie ou l'anthropologie), le caractère idéologique paraît moins évident. Les thèses (surtout passées) teintées de préjugés idéologiques sont très vivement critiquées par les SHS elles mêmes et prises en compte par les chercheurs actuels (ex Le savant et le populaire, de Grignon et Passeron pour citer le plus connu). Il ne me semble pas que les économistes orthodoxes effectuent également ce retour reflexif sur leur propre activité.( Si c'est le cas, je serais ravi d'avoir des exemples. ). Au contraire, on voit des Jean Tirole dire que l'économie hétérodoxe ne devrait pas être enseignée car il s'agirait là d' "obscurantisme". Il s'agit là de ses mots. Une fois qu'on voit que pour seule critique à l'égard de l'économie hétérodoxe, les orthodoxes n'ont que des anathèmes (et non des arguments solides et précis... y compris sur la conception de l'Homme et ses déterminants anthropologiques), on peut se poser des questions. Pour rapidement revenir sur l'hermétisme de l'économie orthodoxe, pour dire que les orthodoxes n'ignorent pas les résultats des autres disciplines, encore faut-il montrer que cette supposée prise en compte a un impact sur leurs travaux. Ce qui me semble pour l'heure discutable,... et discuté par les chercheurs SHS (et même par certains en sciences dites dures, comme les climatologues, sceptiques à l'idée que la crise écologique va être contournée par le recours au marché. Il me semble qu'en la matière, il savent un peu de quoi ils parlent)
Commentaire très intéressant ! Mon niveau de connaissance de l'économie politique et des SHS en général, n'est pas assez pointus pour cette discussion ^^ Mais si je peux te rassurer sur ma démarche, je ne penses pas qu'une seule discipline soit suffisante pour créer un modèle de société. Si je parle du bouquin de Sowell, c'est aussi parce qu'il n'est pas très connu en France. (De même pour la pensée d'Hayek ou de Nozick ou de Hoffer, si tu regardes mes autres vidéos.) J'ai trouvé son livre très clair et en cherchant (peut être trop rapidement) sur internet, je n'ai pas trouvé d'autre économistes ou d'autre chercheurs en SHS qui s'attaquaient au livre. Si t'as un meilleur livre que "Basic economics" pour appréhender l'économie, je suis preneur.
@@PHactuellementNeutre Ah mais, je ne doute pas que le livre de Sowell soit un bon livre. A titre personnel mes connaissances en économie se limitent aux cours que j'ai pu suivre en post-bac et aux manuels d'économie qui m'accompagnaient (avec qq autres livres d'économistes plus spécifiques comme Jean Marc Daniel, qui fait une synthèse de la pensée économique dans un petit livre très pédagogique qui s'appelle "petite histoire iconoclaste de la pensée économique"; ou Dani Rodrik. Mais bon ça c'est des trucs essentiellement théoriques) Après j'ai aussi (voire surtout) lu des ouvrages critiques de l'économie orthodoxe, comme "L'empire de la valeur" d'André Orléan, économiste (si je ne dis pas de bêtises) (néo)keynésien. C'est un livre qui est très puissant puisqu'il va aux fondements de la conception classique de "la valeur" en économie (il s'attaque même à Marx, autant te dire que personne n'est épargné) pour montrer son absurdité en partant de ses propres bases. Sinon, le livre de Sowell me paraît tout à fait pertinent (d'après la présentation que tu en fais) pour appréhender l'économie si on veut la considérer comme un déjà là à observer. Si par contre les détails sociohistoriques de la construction de la face de l'économie actuelle t'intéressent, je te conseille 2 livres (je n'ai lu que le 1e pour l'instant, et j'ai entendu parler du 2e en bien): "La société ingouvernable" de Grégoire Chamayou (livre d'histoire philosophique ou de philosophie historique de l'économie (néo)classique) et "Les globalistes" de Quinn Slobodian (livre pour le coup d'histoire...et d'histoire de la théorie, il me semble).
Bien que la conception de Sowell est intéressante, je pense que cette vidéo passe à coté de ce que signifie l'économie politique aux yeux d'une partie importante des universitaires qui s'y intéressent. Historiquement, la rupture entre l'économie politique et l'économie néoclassique/marginaliste/autrichienne c'est d'arreter de penser l'économie en terme de classes sociales. Pour l'économie politique, il s'agit de penser l'allocation des ressources entre ces classes sociales (rente, capital, travail). Par exemple, c'est ce que Ricardo avait admirablement bien fait pour défendre un modèle qui attribue plus de ressources au capital et moins aux rentiers (propriétaires terriens). Ceci n'était évidemment pas neutre politiquement dans le contexte de l'époque car les propriétaires terriens étaient encore très dominants politiquement et légiferaient à leur avantage. Donc j'ai pas l'impression que Sowell fait vraiment de l'économie politique dans le sens de cette définition. Je dirais que l'économie politique parle effectivement d'allocations des ressources mais pas de manière abstraite, elle le fait à partir des classes sociales définies par les rapports économiques.
Il convient de noter que "la rareté" dont parlent les économistes est souvent abstraite des conditions matérielles et sociales qui font que tel objet est demandé. Les objets et services ne sont jamais désirables en soi (sauf la nourriture, les vêtements, le logement et les soins... encore que, même dans ces consommations, il existe des échelles statutaires). Le besoin (certains rechignent à parler de besoin mais ça les regarde) de consommations non essentielles à la survie est essentiellement mimétique (cf Veblen: Théorie de la classe de loisir). Ce sont les classes supérieures qui décident (par le biais de leur rayonnement statutaire) de ce que les gens doivent désirer. Ils finissent en effet par le désirer et à faire leurs ces besoins. Mais il me semble que réifier "les désirs des individus" comme si on parlait de monades métaphysiques désocialisées et hors du temps pose problème.
Si les individus sont "contraints par la réalité" dans leurs choix de consommation (et qu'ils peuvent en ressentir une certaine frustration), c'est parce que la société leur rend certaines consommations désirables, mise à disposition qui compense une activité professionnelle dans laquelle peu s'épanouissent. On peut d'ailleurs penser que les individus consentent à ce système mais ce n'est là que chimère (Cf La Société Ingouvernable de Grégoire Chamayou. Notamment sur le concept de Micropolitique vers la fin du livre, qui montre comment le consentement à la société marchande "libre" est extorqué; extorsion qui est théorisée et qualifiée comme tel par les néolibéraux).
Je n'ai pas grand chose contre ta vidéo. Simplement contre la tendance de l'économie à s'abstraire des autres sciences sociales (si tant est que l'on puisse qualifier l'économie de science .... ce dont on peut douter puisqu'elle a des fondements normatifs au coeur même de l'analyse qu'elle mène . Cf L'Empire de La Valeur de André Orlean) en partant de postulats qui ne peuvent que valider l'ordre en place.
Ceci dit, ta vidéo était moins idéologique que d'habitude. On peut néanmoins noter que la quasi omniprésence de Thomas Sowell, économiste et intellectuel conservateur, dans tes vidéos trahit tes penchants idéologiques libéraux. Ce qui ne pose pas en soi de problèmes particuliers mais qui montre tout simplement que tu es assez peu au fait des travaux en anthropologie, en histoire, en sociologie (et même en sociologie économique, discipline qui remet violemment en question l'existence de l'économie comme une discipline autonome, flottante et déconnectée des autres sciences. Il est d'ailleurs intéressant de voir à quel point 'il n'y a pas discipline plus hermétique aux autres savoirs que l'économie, ce qui réduit sa pertinence analytique à quasi 0) et en philosophie morale, politique et sociale (je parle de ce qui se fait de plus pertinent dans le domaine. Car la morale de Kant est un classique, elle n'en n'est pas pour autant à chier et rejetée par les chercheurs sérieux dans le domaine).
L'illustration que tu montres par exemple à 4:14, selon laquelle une société de gauche et libertaire (les confusions avec l'anglais qui ne distingue par entre libertaire donc anarchiste et libertarien sont fréquentes mais si une société est "de gauche" et "libertarienne" je dirais qu'elle est libertaire) ce serait "le laissez-faire" pour les riches et "les subventions pour les pauvres". Cela traduit une méconnaissance des travaux en anthropologie (sinon de ta part, de la part de la personne qui a fait cette image), qui conduit à réifier les leviers d'actions actuels comme si ils avaient toujours existé. Parce que dans une société libertaire, peu de gens seraient prêt à aller bosser pour zara pour survivre, et donc Amancio Ortega ne serait pas aussi riche voire à peu près au même niveau que npq... Plein de choses peuvent encore être dites sur cette image mais bon. Pas que ça à faire.
Tu m'as démasqué ! Oui, j'ai des des penchants idéologiques libéraux que je n'essaye pas vraiment de cacher.
A titre personnel, je ne vois pas l'économie comme séparée et autonome par rapport aux autre sciences humaines. D'autant plus que quand il s'agit d'économie politique, la question devient très vite juridique et il faut alors prendre en considération autant de savoir que possible. Je ne suis pas convaincu non plus, que la majorité des économistes ne s'intéressent pas aux autres disciplines ni quel soit la discipline la plus hermétiques. Ses opposants, et tous ceux qui voit en l'économie politique une forme d'idéologie, n'en veulent pas par contre, je ne crois pas que la réciproque soit aussi vrai. (A creuser)
Concernant la question de la "rareté", la définition que Sowell en donne via Robbins, me semble à la fois matérialiste et englobante. Il n'y a pas besoin de se demander pourquoi ce bien devient "rare" ou pourquoi il est "rare". En tout cas, c'est une autre question, tu ne crois pas?
Pour l'image à 4:14, désolé, c'est un meme, et c'est vrai que le cadrant vert est plus compliqué à simplifier en 6 mots tout en faisant consensus même dans sa caricature. Si t'as une formule plus courte que la mienne ou équivalente et qui te plais plus, je suis preneur.
En tout cas, malgré tous mes défauts, je te remercie d'avoir regardé cette vidéo et de participer aux discussions que je mets en place à ma toute petite échelle!
@@PHactuellementNeutre Quand je dis que "l'économie" ne s'intéresse pas aux autres sciences humaines (et en fait aux autres sciences en général...si elles ne disent rien qui permette de maximiser une "utilité" quelconque) je ne parle pas de tous les économistes. Il existe évidemment des économistes dits hétérodoxes, mais on ne va pas se cacher que c'est clairement les économistes d'influence néoclassique qui ont le vent en poupe et qui pèsent sur les politiques économiques (ce qui n'est pas en soi un problème, pour l'instant j'essaie juste de décrire).
Là oú, par contre, on peut je crois dire que l'économie (néo)classique a des fondements idéologiques et normatifs c'est justement chez ses fondateurs les plus éminents. Léon Walras par exemple analyse le marché (et les influences qui pèsent sur les agents) de façon désocialisée et il l'assume dans ses textes: il veut écarter tout le brouhaha social qui pourrait nuire à la rationnalité individuelle. De ce fait, son analyse ne décrit pas la réalité (il le sait bien) mais ce qu'il voudrait que la réalité soit...c'est pour ça que les économistes ont longtemps cherché "les conditions de l'équilibre des marchés en concurrence pure et parfaite".
Mais au delà même des bases théoriques, les auteurs (neo)classiques et ceux influencés par les néoclassiques ont eu un poids normatif considérable pendant le 20e siècle et continue d'en avoir un. Au premier rang desquels Milton Friedman (idéologue s'il en est), qui soutenait Pinochet au nom de l'efficacité économique du Chili.
On peut aussi citer Hayek et d'autres, qui avec sa théorie d'un ordre spontané du marché, soutient néanmoins la répression violente dans des cas exceptionnels au nom de "la liberté" des acteurs (paradoxe entre un ordre qui serait spontané, et des préconisations politiques pour justement revenir à "l'ordre spontanné")...nul besoin de préciser qu'il s'agit de la liberté économique des plus dotés.
En fait, dans le cadre des postulats théoriques de l'économie néoclassique, on peut considérer que l'économie orthodoxe est pertinente. Mais si les postulats ne sont pas réalistes et teintés de velléités politiques, on peut en dire ce qu'on veut mais il me semble qu'à ce moment le statut d'objectivité de l'économie orthodoxe paraît chancelant (parce que ce n'est pas parce qu'il y a des chiffres quelques part que l'on est dans l'objectivité la plus totale. Il faut interroger les chiffres et leur construction)
Pour ce qui est des autres sciences sociales (comme la sociologie ou l'anthropologie), le caractère idéologique paraît moins évident. Les thèses (surtout passées) teintées de préjugés idéologiques sont très vivement critiquées par les SHS elles mêmes et prises en compte par les chercheurs actuels (ex Le savant et le populaire, de Grignon et Passeron pour citer le plus connu). Il ne me semble pas que les économistes orthodoxes effectuent également ce retour reflexif sur leur propre activité.( Si c'est le cas, je serais ravi d'avoir des exemples. ). Au contraire, on voit des Jean Tirole dire que l'économie hétérodoxe ne devrait pas être enseignée car il s'agirait là d' "obscurantisme". Il s'agit là de ses mots. Une fois qu'on voit que pour seule critique à l'égard de l'économie hétérodoxe, les orthodoxes n'ont que des anathèmes (et non des arguments solides et précis... y compris sur la conception de l'Homme et ses déterminants anthropologiques), on peut se poser des questions.
Pour rapidement revenir sur l'hermétisme de l'économie orthodoxe, pour dire que les orthodoxes n'ignorent pas les résultats des autres disciplines, encore faut-il montrer que cette supposée prise en compte a un impact sur leurs travaux. Ce qui me semble pour l'heure discutable,... et discuté par les chercheurs SHS (et même par certains en sciences dites dures, comme les climatologues, sceptiques à l'idée que la crise écologique va être contournée par le recours au marché. Il me semble qu'en la matière, il savent un peu de quoi ils parlent)
Commentaire très intéressant ! Mon niveau de connaissance de l'économie politique et des SHS en général, n'est pas assez pointus pour cette discussion ^^
Mais si je peux te rassurer sur ma démarche, je ne penses pas qu'une seule discipline soit suffisante pour créer un modèle de société.
Si je parle du bouquin de Sowell, c'est aussi parce qu'il n'est pas très connu en France. (De même pour la pensée d'Hayek ou de Nozick ou de Hoffer, si tu regardes mes autres vidéos.)
J'ai trouvé son livre très clair et en cherchant (peut être trop rapidement) sur internet, je n'ai pas trouvé d'autre économistes ou d'autre chercheurs en SHS qui s'attaquaient au livre. Si t'as un meilleur livre que "Basic economics" pour appréhender l'économie, je suis preneur.
@@PHactuellementNeutre Ah mais, je ne doute pas que le livre de Sowell soit un bon livre.
A titre personnel mes connaissances en économie se limitent aux cours que j'ai pu suivre en post-bac et aux manuels d'économie qui m'accompagnaient (avec qq autres livres d'économistes plus spécifiques comme Jean Marc Daniel, qui fait une synthèse de la pensée économique dans un petit livre très pédagogique qui s'appelle "petite histoire iconoclaste de la pensée économique"; ou Dani Rodrik. Mais bon ça c'est des trucs essentiellement théoriques)
Après j'ai aussi (voire surtout) lu des ouvrages critiques de l'économie orthodoxe, comme "L'empire de la valeur" d'André Orléan, économiste (si je ne dis pas de bêtises) (néo)keynésien. C'est un livre qui est très puissant puisqu'il va aux fondements de la conception classique de "la valeur" en économie (il s'attaque même à Marx, autant te dire que personne n'est épargné) pour montrer son absurdité en partant de ses propres bases.
Sinon, le livre de Sowell me paraît tout à fait pertinent (d'après la présentation que tu en fais) pour appréhender l'économie si on veut la considérer comme un déjà là à observer. Si par contre les détails sociohistoriques de la construction de la face de l'économie actuelle t'intéressent, je te conseille 2 livres (je n'ai lu que le 1e pour l'instant, et j'ai entendu parler du 2e en bien): "La société ingouvernable" de Grégoire Chamayou (livre d'histoire philosophique ou de philosophie historique de l'économie (néo)classique) et "Les globalistes" de Quinn Slobodian (livre pour le coup d'histoire...et d'histoire de la théorie, il me semble).