Perdre la mémoire

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  • Опубліковано 13 вер 2024
  • Présenté par Raphael Zagury-Orly, philosophe, membre fondateur
    Avec
    Paul Audi, philosophe
    Christine Bergé, philosophe et anthropologue
    Sandrine Louchart de La Chapelle, Chef du Service de Gérontologie Clinique et Centre Mémoire du Centre Rainier III au Centre Hospitalier Princesse Grace
    On sait à quel point perdre la mémoire terrifie : ne plus se souvenir d’un nom, d’un lieu, d’un événement, ne plus savoir ce qu’on vient de faire, ne pas reconnaître le chemin de la maison, ne plus pouvoir dire d’où l’on vient, ni même qui on est… Le « trou » de mémoire inquiète déjà, et lorsque l’âge et la maladie le transforme en grand vide, on conçoit confusément que perdre la mémoire est approcher de la fin. Mais la mémoire n’est pas seulement le champ mental ou la faculté que possède chaque personne d’enregistrer, conserver, restituer les souvenirs, ni un prétendu « lieu » où ceux-ci seraient stockés, ni, d’ailleurs, la rémanence, dans le corps et l’esprit, de ce que les sens y ont apporté (mémoire gustative, auditive, visuelle…). Elle est aussi ce que « nourrit » et conserve une collectivité - et qui souvent se distingue, voire s’oppose, à ce que l’histoire écrite par les pouvoirs retient - elle est ce qui fait savoir à une classe, une société, une civilisation, qu’elles ont un « cours », un passé, une généalogie, un développement, qui expliquent ce qu’elles sont au présent, sinon ce qu’elles seront. La phénoménologie de Edmund Husserl a introduit, pour illustrer le rôle de la mémoire dans la perception, la notion de « rétention », ou « souvenir primaire », laquelle explique comment l’expérience récemment vécue est maintenue « présente » dans la conscience afin qu’il soit possible de percevoir des « objets temporels », ceux qui ont une durée complexe dans le temps, par exemple une mélodie. De la même manière, une classe, une société ou une civilisation seraient « sans temps » (la « mémoire ouvrière » par exemple serait juste un instantané, une « image » fixée dans le passé, inactualisable, sans mouvement, ni dynamique, ni efficience) si on les rendait incapables de la « rétention » du passé, ou si celui-ci était effacé. L’individu se perd lui-même s’il perd sa mémoire. Les sociétés et les civilisations aussi.

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