Je ne serais pas surpris que ce magnifique conte, interprété par Claude, lui ait été inspiré par Alfred de Musset et son poeme, "la Nuit de Décembre". Dans ce dernier, Musset a des visions et toutes sortes d'hallucinations à l'instar de cet ange qui une nuit vient visiter Claude. A la fin, lorsque qu'il pense sa quete exhaussée puisque le vieillard le croit, celui-ci l'arrete en ces termes "... ami, je ne suis pas un homme, je suis un noyer". Chez Musset, sa vision lui répond "....Mais je ne puis toucher ta main, ami, je suis la solitude" Que ce soit le conte de Nougaro, fascinant accompagné de sa musique envoutante ou bien celui aux rimes d'une richesse époustouflante de Musset, n'hésitez pas à en abuser, écoutez encore une fois ... c'est trop beau !
Sublimissime, majestueux!!! Je ne me lasse de l'écouter.... Cela devrait être inséré dans tout Enseignement Scolaire.... Une poésie à la fois dentellée que slamée... J'adore littéralement. Mon coeur vivre de joie ! Merci au grand Maître.... 🙏💜✨
Non seulement un excellent chanteur ayant un style unique, mais aussi un excellent narrateur et acteur. La disparition de Claude est une grande perte pour la chanson française. Repose en paix Grand Claude.
C'est un conte merveilleux, digne de NOUGARO .Je connais depuis longtemps ,et chaque fois c'est un enchantement .Faites le découvrir autour de vous,il n'y a pas tellement d'occasion de découvrir un poème contemporain, en plus il y a la musique et NOUGARO..........🎶🎵🎼
Tout à fait d'accord avec vous, je m'applique à faire découvrir Plume d'Ange qui est fort méconnu malheureusement! Mais combien sont les personnes qui pourraient aimer, ou même comprendre ....
Vous voyez cette plume ? Eh bien, c'est une plume...d'ange. Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus. Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air. J'ouvre les yeux, que vois-je ? Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit. Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait. Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait. Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit : " C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie. Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange. Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. " Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts. Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant. En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste. J'allume, je la réveille : " Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! " La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit: " Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! " Elle me tourne le dos et merde ! Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr. Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative. Je sonne. Voici mon ami André. Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste : " Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! " André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition. Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais ! Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche. Que dire ? Que faire ? " Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange." Il me croit ! Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant. Soyons sérieux ! Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ? Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu. Les enfants...Oui, mais lequel ? Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient. Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant. Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis. Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi. Les voilà. Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation. Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement. Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes. Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte. À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble. Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume. Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent. Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ? Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ? Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis. Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque. J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue. Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau " Suivez nous ". Le commissariat. Vous connaissez les commissariats ? Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich... Une couche de tabac, une couche de passage à tabac. Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r : " Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles ? Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant. Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux. - Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé ! Voyons l'objet, me dit le commissaire. D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme. - C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je ! Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve. Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. " On s'est occupé de moi, gentiment. Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois. Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré. J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole. Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète. Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire. De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire. Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte. Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir. Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus. Un grand silence se fait en moi. Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi ! Sans hésiter, je sors la plume. Les yeux mordorés lancent une étincelle. Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds. " Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami. Alors vous me croyez ? vous le savez ! Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre. Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus. Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé... Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme. Vous n'êtes pas un homme ? Nullement, je suis un noyer. Vous vous êtes noyé ? Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. " Il y eut un frisson de l'air. Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité. Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps... Le fou rire, quoi ! Paroliers : Claude Nougaro / Jean-Claude Michel Vannier
Dieu que j'aime ça! Plume d'Ange, une pure merveille! La première que l'on ma fait écouter , j'ai écouté une bonne dizaine de fois à la suite, j'étais .... je n'ai pas de mots !!! Merveilleux !!! FASCINANT !!! Cette maitrise du verbe, Monsieur Nougaro merci merci pour votre talent !!!
Claude, Ta plume d'Ange Dans sa boule de cuir Signe là sans coup ferir Un conte songe sage. Un jour peut-être l'humanité bondira de sa fange, de sa cage et en fera l'hymne humain qu'on chantera de main en main
Quel poète talentueux et touchant...merci de nous faire rêver un instant, je ne connaissais pas ce conte,c'est génial un conte ... pour grands,qui ont gardé un coeur d'enfant cela va de soi!,, bravo Claude nougaro et merci.
Vous voyez cette plume ? Eh bien, c'est une plume...d'ange. Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus. Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air. J'ouvre les yeux, que vois-je ? Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit. Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait. Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait. Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit : " C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie. Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange. Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. " Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts. Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant. En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste. J'allume, je la réveille : " Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! " La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit: " Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! " Elle me tourne le dos et merde ! Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr. Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative. Je sonne. Voici mon ami André. Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste : " Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! " André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition. Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais ! Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche. Que dire ? Que faire ? " Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange." Il me croit ! Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant. Soyons sérieux ! Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ? Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu. Les enfants...Oui, mais lequel ? Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient. Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant. Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis. Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi. Les voilà. Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation. Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement. Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes. Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte. À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble. Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume. Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent. Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ? Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ? Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis. Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque. J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue. Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau " Suivez nous ". Le commissariat. Vous connaissez les commissariats ? Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich... Une couche de tabac, une couche de passage à tabac. Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r : " Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir aperçu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles ? Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant. Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux. - Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé ! Voyons l'objet, me dit le commissaire. D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme. - C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, c'est de l'oie je suis du Périgord Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je ! Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve. Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. " On s'est occupé de moi, gentiment. Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois. Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré. J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole. Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète. Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire. De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire. Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte. Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir. Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus. Un grand silence se fait en moi. Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi ! Sans hésiter, je sors la plume. Les yeux mordorés lancent une étincelle. Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds. " Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami. Alors vous me croyez ? vous le savez ! Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre. Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus. Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé... Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme. Vous n'êtes pas un homme ? Nullement, je suis un noyer. Vous vous êtes noyé ? Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. " Il y eut un frisson de l'air. Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité. Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps... Le fou rire, quoi !
@@catherinephal3232 De rien Catherine, tout le plaisir est pour moi de partager le génie de cet homme. Portez vous bien. Sans doute connaissez vous Frédérik Mey, chanteur allemand que j'ai découvert dans les années 70, voici une de ses chanson " Bonsoir mes amis " !!! __ ua-cam.com/video/DHYDYUqjKqA/v-deo.html
Un grand merci pour votre générosité d'avoir recopié, je suis sourde et n'entends pas très bien les paroles, si la magie de la poésie de la voix de la musique agit en ce magicien Claude Nougaro, là c'est un cadeau autre d'un ange humain, votre plume informatique : vous Bruno! Dominique vieille jeune dame de 75 ans
Ah, je suis tellement content d'avoir trouvé ce chef d'oeuvre sur YT. J'adore Nougaro, c'est si dommage qu'il n'est plus parmi nous. Mais en même temps, il l'est - par sa musique, portée par sa voix incroyablement agréable...
Sous l'ère des Gilets Jaune de la belle ville rose je découvre la plume d'ange... il n'y a pas d'âges pour écouter de belles choses ... Mais quel beau texte, bien raconté, et la musique... Magnifique. 16/12/2019. 😇
J'ai découvert quand il y a eu un hommage à Kriss, La Kriss, animatrice de FIP et France Inter, qui était aimée de beaucoup, beaucoup !!! Elle aimait énormément Claude Nougaro. Moi aussi je l'aime beaucoup ! Merci la Kriss, c'est grâce à vous ....
pensées amoureuses a une .................personne qui de sa voie nous a ouvert un horizon de bonheur, merci Kriss, merci la Nougue; du plaisir a partager mci a vous
Un des plus beaux textes de Nougaro...sans nul doute ! Texte trop méconnu ... Uno de los más maravillosos textos de Claude Nougaro, texto, poema demasiado desconocido, que no puedo traducir hoy, ahora ... (Es todo un gran homenaje a los "extranjeros", a los " fuera de las normas"... Me recuerda otra canción, que adoro, también una de mis preferidas , " A la sombra de un León de J.Sabina) (Paroles: Claude Nougaro, musique: J.C. Vannier, 1977 ) Vous voyez cette plume? Eh bien, c'est une plume... d'ange Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus. Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air. J'ouvre les yeux, que vois-je? Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles... Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit. Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait. Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grands ailes de lait. Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit: "C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie. Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange. Adieu et souviens-toi: la foi est plus belle que Dieu." Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts. Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant. En ce temps-là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste. J'allume, je la réveille: "Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange! Oui! un ange était là... Il vient de me la donner... Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde!" La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit: "Fous-moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal!" Elle me tourne le dos et merde! Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr. Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative. Je sonne. Voici mon ami André. Posément, avec précision, je vidais mon sac biblique, mon oreiller céleste: "Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. A dégager! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent!" André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition. Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais! Je me retrouve dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche. Que dire? Que faire? "Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange." Il me croit! Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant. Soyons sérieux! Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci? La petite dame? Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes! Adressons-nous aux enfants! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu. Les enfants... Oui, mais lequel? Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient. Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris... Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant. Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis. Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi. Les voilà. Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation. Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement. Puis elle prend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes. Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte. A quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble. Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume. Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent. Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale? Alors, qu'est-ce que je fais? Je me tue? Je l'avale, ma plume? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste? Et puis un jeudi, je me suis dit: je lui dis. Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque. J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue. Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau: "Suivez-nous." Le commissariat. Vous connaissez les commissariats? Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich... Une couche de tabac, une couche de passage à tabac. Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r: "Asseyez-vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles? - Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant. Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux. - Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé! - Voyons l'objet, me dit le commissaire. D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme. - C'est de l'oie, ça..., me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord. - Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je! - Calmez-vous! Calmez-vous! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'en quête, à défaut de preuve. Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment hein? gentiment." On s'est occupé de moi, gentiment. Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois. Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré. J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole. Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète. Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire. De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire. Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte. Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, ils sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac! pour me les offrir. Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus. Un grand silence se fait en moi. Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi! Sans hésiter, je sors la plume. Les yeux mordorés lancent une étincelle. Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds. "Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami. - Alors vous me croyez? vous le savez! - Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre. Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angélus Maliciosus. - Mais alors! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé... - Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme. - Vous n'êtes pas un homme? - Nullement, je suis un noyer. - Vous êtes noyé? - Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre." Il y eut un frisson de l'air. Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité. Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps... Le fou rire, quoi!
texte pas connu par le grand public,et pourtant,c'est bourré de poésie,,de sentiments,et de dérision..Un must du genre!Tu nous manques terriblement,Claude.....
C'est magnifique !! émouvant, touchant !! Cet homme est un génie, et je suis certaine qu'il est avec les anges, puisque lui même en est un !! Mr Nougaro, je vous aime ♥ ♥ ♥ ♥
Le frisson, les étincelles, les flocons, un ange réglementaire, un carquois, adieu! Respiration, amour, inspiration. Croire. Amour. Paix. Admiration. Pas de souffrance. Repos. Radiance Enfants savants.
ce texte ...est peu connu et pourtant , depuis des années , j'essaie de le faire ecouter au plus grand nombre , il exprime , ce qui au fond de moi , me fait tant de peine .... mais , il y a la fin ...si on trouve des etres qui savent qu : "la foi est plus bvelle que Dieu ! " et on parle pas de la foi de la religion , je precise , sans vous offenser ... la foi en la vie , en l'amour , en tout ce qui fait que la vie peut etre douce et belle , entre les humains ...surtout !!!
Conozco esta obra cuando la escuche por primera vez en un disco de pasta en la decada del setenta. Me gusta el video pero ya quedé impresionado con el disco. Claude Nougaro un Grande. Mario desde Argentina
Salut les amis! Ce texte,je me le suis mis en bouche il y a quelques années.Pendant des mois j'ai cassé les pieds à mes collègues,le leur déclamant à l'envi.Ma femme en a eu marre,elle aussi (non,elle ne m' a pas quitté à cause de CLAUDE) ,elle m' a offert pour mes 50 ans,l'intégrale studio.Comme il y a une ribambelle de chansons,souvent grandioses,elle s'est dit,comme çà il a de quoi oublier sa plume,de la lâcher (pas la planter dans le c... de sa passion, pas si néfaste ).Effectivement,je ne la ressors plus à tout bout de "chant",mais il m'arrive encore parfois,comme aujourd'hui,de me le remettre en tête avec un peu d'entraînement,le texte étant assez long.En tout cas, bravo CLAUDE et que tous les amoureux de ce magnifique poète,aillent sur UA-cam,voir la vidéo sur "l'amour sorcier" scopitone des années 60,et les commentaires désobligeants d'un "peigne-c..." pour lequel vous ne devriez avoir aucune indulgence.
un ange je dois y croire, une déesse non absolument pas, et une simple beauté de plume de paon...quelle beauté , quel symbole, oui , un symbole de foi absolument...
Définir l'amour non, nous ne pouvons pas, c'est un feu donc une forme désordonnée de l'energie. Nous ne pouvons que subir ses sensations...qui nous laisseront faibles à tout prix. Si l'amour est un feu ,c 'est qu'il fait partie de la géhenne...mais souffrir dans la vie est notre due.
Ce grand homme n'a hélas pas eu le succès qu'il aurait mérité à son époque. Quel gâchis. Beaucoup d'entre nous l'ont pourtant apprécié, tout comme tous ceux qui le découvrent aujourd'hui. Mais comme souvent, les Grands ne sont reconnus qu'avec du retard ou par une minorité. Au moins là-haut, il devrait trouver une audience à la hauteur de son talent.
La sensation d'aimer est pareille à un miel chaud qui coule quelquepart dans notre âme jamais dans notre corps. réchauffant l'intérieur de notre pauvre coeur fatigué de battre, et souffler comme une bête harassée. Les mots pour dire je vous aime , s'éclipsent comme une magie incontrôlable laissant toutefois une issue d'espoir quand vos yeux sont brillants de larmes retenues de ne pouvoir en donner plus...
Vous voyez cette plume ? Eh bien, c'est une plume...d'ange. Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus. Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air. J'ouvre les yeux, que vois-je ? Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit. Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait. Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait. Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit : " C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie. Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange. Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. " Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts. Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant. En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste. J'allume, je la réveille : " Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! " La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit: " Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! " Elle me tourne le dos et merde ! Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr. Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative. Je sonne. Voici mon ami André. Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste : " Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! " André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition. Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais ! Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche. Que dire ? Que faire ? " Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange." Il me croit ! Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant. Soyons sérieux ! Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ? Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu. Les enfants...Oui, mais lequel ? Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient. Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant. Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis. Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi. Les voilà. Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation. Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement. Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes. Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte. À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble. Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume. Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent. Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ? Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ? Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis. Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque. J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue. Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau " Suivez nous ". Le commissariat. Vous connaissez les commissariats ? Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich... Une couche de tabac, une couche de passage à tabac. Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r : " Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous. Alors comme ça, on suit les petites filles ? Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant. Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux. - Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé ! Voyons l'objet, me dit le commissaire. D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme. - C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je ! Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve. Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. " On s'est occupé de moi, gentiment. Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois. Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré. J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole. Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète. Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire. De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire. Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte. Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir. Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus. Un grand silence se fait en moi. Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi ! Sans hésiter, je sors la plume. Les yeux mordorés lancent une étincelle. Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds. " Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami. Alors vous me croyez ? vous le savez ! Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre. Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus. Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé... Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme. Vous n'êtes pas un homme ? Nullement, je suis un noyer. Vous vous êtes noyé ? Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. " Il y eut un frisson de l'air. Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité. Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps... Le fou rire, quoi !
L'esprit fatigué de souffrir implore le coeur qui se revèle comme une rose subtile qui éclore rendant les douleurs supportables. Une chaleur ou incandescence insoupçonnée apparait et guérie l'âme endolorie par les souffrances d'aimer seulement...notre dîplome d'amoureux nous est tendu par la providence , nous jetons des regards aux alentours de ce mot pour en voir les clés...mais , elles disparaissent nous laissant pantois et incapable de comprendre la puissance de notre coeur.Il me semble toucher la forme d'une grosse rose et je la serre dans mon poing mais elle ne me pique pas.Lorsque je renifle ma main, il me semble que l'odeur de rose y est.
Pour les amies du groupe Afrique , qui se demande si un blanc ou un noir sont perçues plus fous par rapport à leur couleur de peau , l'âme n'a que la couleur de la lumière , que l'on soit rouge , noir jaune ou blanc de peau sur un chariot ( notre corps humain n'est qu'un chariot qui porte nos âmes ) l'esprit n'a pas de distinction de couleur de peau la lumière est en nous tous
Je ne serais pas surpris que ce magnifique conte, interprété par Claude, lui ait été inspiré par Alfred de Musset et son poeme, "la Nuit de Décembre". Dans ce dernier, Musset a des visions et toutes sortes d'hallucinations à l'instar de cet ange qui une nuit vient visiter Claude. A la fin, lorsque qu'il pense sa quete exhaussée puisque le vieillard le croit, celui-ci l'arrete en ces termes "... ami, je ne suis pas un homme, je suis un noyer". Chez Musset, sa vision lui répond "....Mais je ne puis toucher ta main, ami, je suis la solitude"
Que ce soit le conte de Nougaro, fascinant accompagné de sa musique envoutante ou bien celui aux rimes d'une richesse époustouflante de Musset, n'hésitez pas à en abuser, écoutez encore une fois ... c'est trop beau !
Merci beaucoup pour l info
merci ! je ne savais pas que Musset avait parlé d'un ange !
Sublimissime, majestueux!!! Je ne me lasse de l'écouter....
Cela devrait être inséré dans tout Enseignement Scolaire....
Une poésie à la fois dentellée que slamée...
J'adore littéralement.
Mon coeur vivre de joie !
Merci au grand Maître....
🙏💜✨
Non seulement un excellent chanteur ayant un style unique, mais aussi un excellent narrateur et acteur. La disparition de Claude est une grande perte pour la chanson française. Repose en paix Grand Claude.
Je l'aime tant 💙🙏
C'est un conte merveilleux, digne de NOUGARO .Je connais depuis longtemps ,et chaque fois c'est un enchantement .Faites le découvrir autour de vous,il n'y a pas tellement d'occasion de découvrir un poème contemporain, en plus il y a la musique et NOUGARO..........🎶🎵🎼
Tout à fait d'accord avec vous, je m'applique à faire découvrir Plume d'Ange qui est fort méconnu malheureusement! Mais combien sont les personnes qui pourraient aimer, ou même comprendre ....
Quelle beauté de texte
Quel conteur autant que chanteur.
Genou à terre devant l'âme de M. Nougaro.
Que de douceur,que de sourire,quelle sensibilité,Merci Mr Nougaro,que je redécouvre en 2024 (ouf,il n'est jamais trop tard!"...
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
Paroliers : Claude Nougaro / Jean-Claude Michel Vannier
J'adore ce texte et je trouve bien dommage que si peu de personnes le connaissent
Yvette GOBERT je fait une piece de théâtre
99i
Nougaro l'unique!
Tout à fait! De même le texte de la neige, un chef d'oeuvre poétique
Je l’ai vu sur scène à Annecy dans les années 70 alors qu’il venait de la sortir. C’est un merveilleux souvenir 💖
Dieu que j'aime ça! Plume d'Ange, une pure merveille! La première que l'on ma fait écouter , j'ai écouté une bonne dizaine de fois à la suite, j'étais .... je n'ai pas de mots !!! Merveilleux !!! FASCINANT !!! Cette maitrise du verbe, Monsieur Nougaro merci merci pour votre talent !!!
Deux fois de suite que je l ai écouté.!
sublime .. je ne m'en lasserais jamais ... respects Monsieur Nougaro R.I.P
Magnifique Claude de ta voix éternelle
Grande chaleur à travers le corps et le coeur
Claude,
Ta plume d'Ange
Dans sa boule de cuir
Signe là sans coup ferir
Un conte songe sage.
Un jour peut-être l'humanité
bondira de sa fange, de sa cage
et en fera l'hymne humain
qu'on chantera de main en main
Absolument...
Que de souvenirs... que d'artistes aujourd'hui sur la scène du numérique. La plume d'ange, sa poésie eh oui sa poésie
Quel poète talentueux et touchant...merci de nous faire rêver un instant, je ne connaissais pas ce conte,c'est génial un conte ... pour grands,qui ont gardé un coeur d'enfant cela va de soi!,, bravo Claude nougaro et merci.
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir aperçu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, c'est de l'oie je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
Bruno Dangrezat Az
Merci à vous de ce partage.
@@catherinephal3232 De rien Catherine, tout le plaisir est pour moi de partager le génie de cet homme. Portez vous bien. Sans doute connaissez vous Frédérik Mey, chanteur allemand que j'ai découvert dans les années 70, voici une de ses chanson " Bonsoir mes amis " !!!
__ ua-cam.com/video/DHYDYUqjKqA/v-deo.html
Un musicien des mots, un grand poète que j'j'écoute et lis avec un plaisir sans mélange!!! Merci de le publier et le faire connaitre!🤩
Un grand merci pour votre générosité d'avoir recopié, je suis sourde et n'entends pas très bien les paroles, si la magie de la poésie de la voix de la musique agit en ce magicien Claude Nougaro, là c'est un cadeau autre d'un ange humain, votre plume informatique : vous Bruno!
Dominique vieille jeune dame de 75 ans
J'aime Nougaro , et ce soir avec un plaisir non dissimulé
je découvre ce texte magique !.....
Martin Denis très joli ..partagé (:
il y a plus de 25 rattrapez-vous
Martin Denis et 4 ans ++tard
Perso, j'y crois, moi à cette histoire de plume d'ange ! Et rien ne se passe... sauf cet immense texte : la foi est plus belle que dieu !
Oui la foi est plus belle que dieu car elle nous protège de son bouclier de bienveillance tout comme Claude qui agite ses ailes d ange !
MAGIQUE ! BRAVO Claude NOUGARO ! Un texte fabuleux, plein d'intelligence, de poésie et d'humour ! J'adore....
Sublime.
Je découvre ce texte de Nougaro .
Merci à celui qui me l' a fait découvrir. C'est magique !
Oui j' y crois
Extraordinaire, pouvoir memoriser et dire ce texte en public, quel boulot! Ceci dit la version studio est bien mieux...
Ce n'est pas mon avis !
Je ne connaissais pas ce texte.... splendide, magique, captivant, merci Monsieur Nougaro... au-delà du temps.
Quelle merveille que cette découverte magnifique poésie je suis aux anges merci pour ce partage !
fabuleux ... ! , je dis ce texte régulièrement. j'adore
Je l'avais entendu une fois il y a bien longtemps et jamais oublié.
Enfin retrouve!! Merci à olionidizlove .
Ah, je suis tellement content d'avoir trouvé ce chef d'oeuvre sur YT. J'adore Nougaro, c'est si dommage qu'il n'est plus parmi nous. Mais en même temps, il l'est - par sa musique, portée par sa voix incroyablement agréable...
je partage votre avis j'aaaaaaadore biz
c 'est si dommage qu'il ne soit plus
ey oui
Sous l'ère des Gilets Jaune de la belle ville rose je découvre la plume d'ange... il n'y a pas d'âges pour écouter de belles choses ... Mais quel beau texte, bien raconté, et la musique...
Magnifique.
16/12/2019.
😇
Je la découvre à l'instant, je ne connaissais de Nougaro, magnifique
Un texte magnifique ! Merveilleux Nougaro! 👍👏🙂😢
ça doit faire 50 fois que je regarde cette merveille je ne m'en lasse pas
J'ai découvert quand il y a eu un hommage à Kriss, La Kriss, animatrice de FIP et France Inter, qui était aimée de beaucoup, beaucoup !!! Elle aimait énormément Claude Nougaro. Moi aussi je l'aime beaucoup ! Merci la Kriss, c'est grâce à vous ....
pensées amoureuses a une .................personne qui de sa voie nous a ouvert un horizon de bonheur, merci Kriss, merci la Nougue; du plaisir a partager mci a vous
Tu as raison, pour Kriss, qu'elle repose en paix, merci de se souvenir d'elle ! :)
Un des plus beaux textes de Nougaro...sans nul doute ! Texte trop méconnu ...
Uno de los más maravillosos textos de Claude Nougaro, texto, poema demasiado desconocido, que no puedo traducir hoy, ahora ... (Es todo un gran homenaje a los "extranjeros", a los " fuera de las normas"... Me recuerda otra canción, que adoro, también una de mis preferidas , " A la sombra de un León de J.Sabina)
(Paroles: Claude Nougaro, musique: J.C. Vannier, 1977
)
Vous voyez cette plume?
Eh bien, c'est une plume... d'ange
Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...
Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grands ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit:
"C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens-toi: la foi est plus belle que Dieu."
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps-là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille:
"Mon amour, mon amour, regarde cette plume... C'est une plume d'ange!
Oui! un ange était là... Il vient de me la donner...
Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse...
Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde!"
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
"Fous-moi la paix... Je voudrais dormir... Et cesse de fumer ton satané Népal!"
Elle me tourne le dos et merde!
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidais mon sac biblique, mon oreiller céleste:
"Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste.
A dégager! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent!"
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais!
Je me retrouve dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire? Que faire?
"Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit!
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent.
Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux!
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui-ci? La petite dame?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes!
Adressons-nous aux enfants! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants... Oui, mais lequel?
Je marchais toujours, je marchais encore.
Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...
Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre.
Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses.
Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés.
Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée.
Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle prend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
A quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder.
Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale?
Alors, qu'est-ce que je fais? Je me tue? Je l'avale, ma plume?
Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste?
Et puis un jeudi, je me suis dit: je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée...
Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau: "Suivez-nous."
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r:
"Asseyez-vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles?
- Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé!
- Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça..., me dit-il, je m'y connais, je suis du Périgord.
- Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis-je!
- Calmez-vous! Calmez-vous! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'en quête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment hein? gentiment."
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine.
C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban.
Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, ils sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi!
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
"Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami.
- Alors vous me croyez? vous le savez!
- Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angélus Maliciosus.
- Mais alors! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
- Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
- Vous n'êtes pas un homme?
- Nullement, je suis un noyer.
- Vous êtes noyé?
- Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre."
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi!
Cette spontanéité et cette vérité qui sort de sa bouche. Merci Monsieur Nougaro. Ce n est pas un hasard ce texte...n est ce pas ?
Quelle belle découverte , Claude Nougaro conteur ! J'ai adoré belle histoire.
J adore j ai découvert Nougaro dans une mjc il y a des siècles, je n est jamais cesser de l écouter, surtout se texte magnifique.
Si vous allez en arrière, vous verrez que je suis une inconditionnelle de NOUGARO ,j'aime........TRÈS BEAUCOUP.💞
texte pas connu par le grand public,et pourtant,c'est bourré de poésie,,de sentiments,et de dérision..Un must du genre!Tu nous manques terriblement,Claude.....
Oh le joli pseudo, j'aime vraiment ! :)
je l'ai vue au MACUMBA en 1980 un monument ce mec !
C'est magnifique !! émouvant, touchant !!
Cet homme est un génie, et je suis certaine qu'il est avec les anges, puisque lui même en est un !!
Mr Nougaro, je vous aime
♥ ♥ ♥ ♥
Par quelle source magique tant de beauté est parvenue dans l'esprit de ce poète magnifique ? Claude, j'ai foi en vous. L'ange est là...
Oui....je l'ai toujours cru et ça sans aucun doute....❤
Un texte merveilleux sublimé par le timbre rythmé de la voix Toulousaine de Claude Nougaro. SUBLIME !
jtm ange de mon coeur jess ci tu me parle je te promet avec le plus grand respect un respect dine de toi je te demande pas de me pardonne je t aime
Ah Claude. Je t'ai vu si souvent sur scène... Si tu savais comme tu me manques... Fais tomber cette plume sur Terre, il est plus que temps...
Le frisson, les étincelles, les flocons, un ange réglementaire, un carquois, adieu!
Respiration, amour, inspiration.
Croire. Amour. Paix. Admiration.
Pas de souffrance. Repos. Radiance
Enfants savants.
Merci pour ce sublime texte quel talent
ce texte ...est peu connu et pourtant , depuis des années , j'essaie de le faire ecouter au plus grand nombre , il exprime , ce qui au fond de moi , me fait tant de peine .... mais , il y a la fin ...si on trouve des etres qui savent qu : "la foi est plus bvelle que Dieu ! " et on parle pas de la foi de la religion , je precise , sans vous offenser ... la foi en la vie , en l'amour , en tout ce qui fait que la vie peut etre douce et belle , entre les humains ...surtout !!!
Excellent Nougaro, Voix, Paroles et Présence , j'adore!
La musique de Jean Claude Vannier est a la auteur^^ de ce texte extraordinaire !
Conozco esta obra cuando la escuche por primera vez en un disco de pasta en la decada del setenta. Me gusta el video pero ya quedé impresionado con el disco.
Claude Nougaro un Grande.
Mario desde Argentina
es que la pluma del angel volo desde Francia en Argentina
@@TENORIOMA1 everywhere..!! 😉
Enfin retrouver,"la plume d'ange" a écouter, Claude Nougaro c'est beau....enfin pour moi!!!!!
oui c,est très beau
Ma version préférée :) ua-cam.com/video/nEznKMnZE80/v-deo.html
des mots .... sublimes, je découvre tardivement ... mais que de beauté !
Salut les amis! Ce texte,je me le suis mis en bouche il y a quelques années.Pendant des mois j'ai cassé les pieds à mes collègues,le leur déclamant à l'envi.Ma femme en a eu marre,elle aussi (non,elle ne m' a pas quitté à cause de CLAUDE) ,elle m' a offert pour mes 50 ans,l'intégrale studio.Comme il y a une ribambelle de chansons,souvent grandioses,elle s'est dit,comme çà il a de quoi oublier sa plume,de la lâcher (pas la planter dans le c... de sa passion, pas si néfaste ).Effectivement,je ne la ressors plus à tout bout de "chant",mais il m'arrive encore parfois,comme aujourd'hui,de me le remettre en tête avec un peu d'entraînement,le texte étant assez long.En tout cas, bravo CLAUDE et que tous les amoureux de ce magnifique poète,aillent sur UA-cam,voir la vidéo sur "l'amour sorcier" scopitone des années 60,et les commentaires désobligeants d'un "peigne-c..." pour lequel vous ne devriez avoir aucune indulgence.
En boucle sur FIP programmé par Kriss en 1979 , chef d'oeuvre
Quel moment de grace !
oui
Superbe !!! comme l’Ange qu’il est devenu 🕊
c'est à force de croire aux fleurs qu'on finit par les faire éclore................!
extraordinaire ! Très fort et émouvant !!!
Je découvre, la poésie et l'humour à la fois !,très beau .....
UNE PLUME de Gabriel oui , non junon on a pas le droit de dire ...de Junon, la diffèrence de foi ne serait que cela ,une simple plume de paon...
la foi est plus belle que DIEU
"Méditer jour après jour"
ridicule, cette phrase vide de sens, ne peut être "crue'" que par un musulman extrémiste.
Un sublime poème de M. Nougaro
un ange je dois y croire, une déesse non absolument pas, et une simple beauté de plume de paon...quelle beauté , quel symbole, oui , un symbole de foi absolument...
en ces périodes difíciles partagont une plume d'ange.......................
partageont !!! Pas "partagons".
Quel poète...
un très grand Nougaro!
de la Poésie ... à partager ou réécouter ... merveilleux !
Définir l'amour non, nous ne pouvons pas, c'est un feu donc une forme désordonnée de l'energie. Nous ne pouvons que subir ses sensations...qui nous laisseront faibles à tout prix. Si l'amour est un feu ,c 'est qu'il fait partie de la géhenne...mais souffrir dans la vie est notre due.
C est du ferré à la sauce nougaro
Enfin retrouver,"la plume d'ange" a écouter, Claude Nougaro c'est beau....enfin pour moi!!!!!
Énorme monsieur .... vive la folle poésie !!! Merci
Le texte est superbe, l'Artiste Grand.
Magnifique et spirituel
Ce grand homme n'a hélas pas eu le succès qu'il aurait mérité à son époque. Quel gâchis. Beaucoup d'entre nous l'ont pourtant apprécié, tout comme tous ceux qui le découvrent aujourd'hui. Mais comme souvent, les Grands ne sont reconnus qu'avec du retard ou par une minorité. Au moins là-haut, il devrait trouver une audience à la hauteur de son talent.
Quel beau poème.
Je regrette de ne l’avoir jamais vu en concert.
15 minutes de pureté...
La sensation d'aimer est pareille à un miel chaud qui coule quelquepart dans notre âme jamais dans notre corps. réchauffant l'intérieur de notre pauvre coeur fatigué de battre, et souffler comme une bête harassée. Les mots pour dire je vous aime , s'éclipsent comme une magie incontrôlable laissant toutefois une issue d'espoir quand vos yeux sont brillants de larmes retenues de ne pouvoir en donner plus...
À méditer ...très touchant ! Merci pour le post
bravo Monsieur, vous ete un ange pour nous pauvres terriens
c'est tout simplement de la spiritualité....il faut savoir écouter les anges ( 6ème sens)lol.
La foi est plus belle que Dieu .. tout est dit ...il suffit d y croire contre vents et marées....
Peut-être son "Chef d'œuvre " comme celui d'un jeune compagnon...
Et d'ailleurs on combat le feu par le feu...
Merci à Claude Nougaro, un grand très grand poète. Merci à lui pour nous avoir donné du plaisir.
Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume...d'ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.
Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l'air.
J'ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l'obscurité de la chambre, des myriades d'étincelles...Elles s'en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l'accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d'un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
" C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu. "
Et l'ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d'extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d'une passion néfaste.
J'allume, je la réveille :
" Mon amour, mon amour, regarde cette plume...C'est une plume d'ange! Oui ! un ange était là... Il vient de me la donner...Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse... Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir... le monde ! "
La belle, le visage obscurci de cheveux, d'araignées de sommeil, me répondit:
" Fous moi la paix... Je voudrais dormir...Et cesse de fumer ton satané Népal ! "
Elle me tourne le dos et merde !
Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l'Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
" Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent ! "
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais !
Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
" Monsieur l'agent, regardez, c'est une plume d'ange."
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s'aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s'embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l'idée m'envahit, évidente, éclatante... Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants...Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d'enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais... Le vent de mes pas feuilletait Paris...Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent... Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j'attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l'école, une petite fille s'est arrêtée. Dans la vive lumière d'avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j'ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l'école et le surlendemain et les jours qui suivirent.
Elle s'appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l'aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu'est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l'avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J'ai précipité mon pas, j'ai tendu ma main vers la tête frisée... Au moment où j'allais l'atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s'est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
" Suivez nous ".
Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich...
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
" Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m'a fait m'approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j'y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
- Fanny, j'en suis certain, m'aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c'était fini, envolé !
Voyons l'objet, me dit le commissaire.
D'entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
- C'est de l'oie, ça... me dit il, je m'y connais, je suis du Périgord
Monsieur, ce n'est pas de l'oie, c'est de l'ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu'une telle affirmation exige d'être appuyée par un minimum d'enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s'occuper de vous. Gentiment, hein ? gentiment. "
On s'est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l'on m'héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s'ébattent ou s'abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C'est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J'ai fini par m'approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd'hui, nous sommes amis. C'est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu'il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c'est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s'unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l'eau fraîche et limpide de l'intelligence alliée à l'amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu'il brise d'un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.
Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
" Quel magnifique spécimen de plume d'ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n'êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre. "
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi !
la foi est plus belle qu dieu", tu vas mal finir claude
? juste dans un trou, comme lui, comme moi, comme toi, te fais pas de soucis !!!! :)
L'esprit fatigué de souffrir implore le coeur qui se revèle comme une rose subtile qui éclore rendant les douleurs supportables. Une chaleur ou incandescence insoupçonnée apparait et guérie l'âme endolorie par les souffrances d'aimer seulement...notre dîplome d'amoureux nous est tendu par la providence , nous jetons des regards aux alentours de ce mot pour en voir les clés...mais , elles disparaissent nous laissant pantois et incapable de comprendre la puissance de notre coeur.Il me semble toucher la forme d'une grosse rose et je la serre dans mon poing mais elle ne me pique pas.Lorsque je renifle ma main, il me semble que l'odeur de rose y est.
,
K
nougarou raconte toute ma vie cela me fait pleurer
Pour les amies du groupe Afrique , qui se demande si un blanc ou un noir sont perçues plus fous par rapport à leur couleur de peau , l'âme n'a que la couleur de la lumière , que l'on soit rouge , noir jaune ou blanc de peau sur un chariot ( notre corps humain n'est qu'un chariot qui porte nos âmes ) l'esprit n'a pas de distinction de couleur de peau la lumière est en nous tous
Il existera plus jamais d'artistes comme lui c'est bien dommage
quel talent ce monsieur
Que dire, mais quel merveilleux texte, je m'ennuie de toi !
Quel poète ......c est un texte sublime .
certainement le plus texte de mr nougaro, inoubliable merci.
"le plus texte..." !?!
c'est une plume d'Ange ! vs dis-je
Quoi dire ? à part que tu nous manques....
sluperbeux^^
C'est fou à quel point il donne le frisson ! C'est trop beau !
C'est beau !
J'adorais. Et je l'adore toujours
Quel homme !!
Fabuleux troubadour que Nougaro !