*_Jos van Immerseel wrote about the instrument in the French language 1/1_* LE CLAVECIN Le clavecin de Jos van Immerseel fut construit, pour son seul usage, en 1973, par le jeune facteur Belge, Walter Maene (St. Eloois-Vijve, FI. Or.), d'après un clavecin original « RuckersTaskin " (le célèbre clavecin doré) de la collection Thibault, conservé au « Musée Instrumental du Conservatoire National Supérieur de Musique " à Paris. L'original fut construit à Anvers en 1646 par Andreas Ruckers, et élargi à 5 octaves par Pascal Taskin à Paris en 1780, selon l'usage en vogue au XVIIIe siècle. Andreas Ruckers, était le second fils de Hans Ruckers, le fondateur de la plus importante dynastie de facteurs de clavecins aux XVIe et XVIIe siècles. Les clavecins de Ruckers eurent, surtout pour leur sonorité « argentée », une vogue énorme dans le monde, égale à celle des violons de Stradivarius. Cependant, les clavecins flamands avaient une étendue de quatre octaves seulement, qui ne permettait pas d'exécuter les pièces de clavecin du XVIIIe siècle. Les plus célèbres facteurs de clavecins, surtout en France, devinrent des spécialistes du « grand ravalement », opération qui consistait à ajouter quelques touches en haut et en bas du clavier, afin d'obtenir une étendue de cinq octaves. Pascal Taskin, né à Theux au Pays de Liège en 1723, vint travailler à Paris où il entra dans l'atelier de François Etienne (II) Blanchet. Il avait choisi le meilleur maître. Après la mort de celui-ci (1766) , Taskin fut reçu maître et épousa sa veuve. Il était « facteur de clavecins du Roi ", le plus renommé des facteurs parisiens, et le plus grand spécialiste du « ravalement ". C'est lui donc, qui a renouvelé le clavecin d'Andreas Ruckers: il fit un nouveau sommier, de nouveaux claviers, ajouta quelques centimètres de bois à la table d'harmonie et élargit la caisse de résonnance. En même temps il ajouta une rangée de sautereaux avec des becs de cuir très mou, le « peau de buffle » : un registre d'une sonorité très douce et moelleuse. Comme les grands facteurs de l'époque, Walter Maene a construit son clavecin de manière artisanale, n'utilisant que des bois massifs. Une caisse de résonance très légère et une table d'harmonie exceptionnellement résonante lui assurent la sonorité grave et fondamentale des clavecins anciens, très éloignée de celle des clavecins « modernes ". La partie mécanique est une reconstitution en tout point identique à l'original (l'état de 1780): les sautereaux sont entièrement faits de bois (sans vis de réglage), les languettes restent à lem' place grâce aux balanciers en soie de porc, les claviers sont des copies rigoureuses, quant aux épaisseurs et à l'équilibre. Le toucher ainsi obtenu est très léger, le contact claveciniste-clavecin extrêmement bon. Le changement de jeux se fait par tirettes manuelles. Cet instrument est le résultat d'un nouvel esprit qui souffle sur le monde musical: un retour aux instruments anciens pour l'interprétation des compositions des grands maîtres, inspirés à leur époque par des instruments de même valeur. Parmi les nombreuses copies du clavecin doré Ruckers-Taskin, celle de Walter Maene peut à juste titre être considérée comme exceptionnelle, tant au point de vue sonorité que construction. Caractéristiques: 3 rangs de cordes: deux à l'unisson (8 pieds) et un à l'octave (4 pieds) 4 rangs de sautereaux. Les becs sont en delrine pour les 3 jeux ordinaires, en cuir très mou pour le « peau de buffle ". 2 claviers, étendue de 5 octaves (61 notes), FF-f"'. Accouplement des claviers à la française (le clavier supérieur coulisse sur le clavier inférieur ). Clavier Supérieur: Jeu de 8 pieds, Jeu de harpe ou luth. . Clavier Inférieur: Jeu de 8 pieds, Jeu de 4 pieds, « peau de buffle" (sur la même corde que le jeu principal de 8 pieds). Accord: presque un demi-ton au-dessous du diapason moderne. L'interprète a accordé selon les tempéraments en usage à l'époque pour les instruments à clavier, essentiellement fondé sur des tierces majeures parfaites (
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*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'Université de Louvain.1/3_* Hubert RENOTTE (Liège 1704-1745) PIECES DE CLAVECIN La frontière italo-française passerait-elle par Liège? On l'a souvent dit. Et cela se vérifie à plus d'un titre. Dans le domaine des arts et particulièrement de la musique ce n'est pas étonnant si l'on se souvient que la fondation Darchis, ou collège liégeois de Rome; qui fut créée à la fin du 17e siècle, accueillit pendant une centaine d'années une bonne partie de la jeunesse bien douée de la principauté: peintres, sculpteurs, étudiants en droit et en théologîe, mais aussi musiciens. Il suffit de citer les deux Hamal, l'infortuné Gresnick et l'immortel Grétry pOUr souligner les bienfaits de cette fondation pour la vie musicale liégeoise. Néanmoins Hubert Renotte, musicien dont On exhume ici pour la première fois les oeuvres, ne paraît pas avoir fréquenté le collège liégeois de la ville éternelle. Son nom n'apparaît pas dans les inventaires dressés par Monique De Smet (1). Il est vrai que, faute d'archives suffisantes, ces listes sont fort incomplètes, l'auteur en convient lui-même. Serait-il passé à Naples? On sait en effet que certains ex-choraux liégeois fréquentèrent les conservatoires renommés de la grande cité pOTtuaire. Ils ne. devaient pas pOUT autant demeUTeT à Rome, sinon pour de tTès brefs passages, lesquels ne sont même pas absolument prouvés. C'est le cas de Gresnick (Liège 1755 - Paris 1799), autre figuTe attachante du patTimoine musical liégeois, également mis au jour par l'auteur de ces lignes et qui fit l'objet d'une gravure sur disque dans la présente collection, en 1972. Si cette question d'un passage de Renotte en Italie reste ouverte, elle mérite assuTément d'être posée tant il saute aux yeux - plutôt aux oreilles - que son écriture participe tout autant du style italien que du français. Mais il est bien d'a'/!-tres questions qui sUTgissent à son propos. Car, que sait-on au juste de son e:r:istence, de sa carrière, de son oeuvre? Peu de choses, il faut l'admettre. José Quitin, qui signe la plus récente notice sur Renotte (2) dépasse par ses recherches tous les faits rapportés par Fétis, Eitner, Auda et Vannes. C'est d'ailleurs à son texte que l'on devra tous les éléments biographiques présentés succinctement ici. Fils de Joseph Renotte et d'Agnès de Clercq, Hubert Renotte est baptisé à Saint- Nicolas en Outremeuse, le 24 février 1704. Cette date corrige toutes celles, fantaisistes, avancées par les musicographes antérieurs. Il est l'aîné d'une famille de neuf enfants. Le début de sa carrière demeure jusqu'à présent inconnu. Ainsi que cela a été exposé plus haut, nulle trace n'a été retrouvée de son éventuel appTentissage en Italie. Mais Léonard Terry, le musicographe liégeois bien connu du XIXe siècle, prétend qu'il fut maître de chant à Tongres. Cette assertion doit enCOTe êtTe vérifiée dans les archives. Mais quelques jours à peine après son 26e anniveTsaire, le 27 févrieT 1730, on le retrouve à Liège où il est engagé comme phonascus à Saint-Martin en remplacement de Jahovin. On sait qu'en 1733 les archives parlent de lui à propos d'une grande Messe à deux choeuTs de sa composition. La même année, il termine un ensemble de six Vêpres faisant partie d'un Tecueil de Psaumes d'auteuTs diveTs, conservé à la basilique Notre-Dame de MaastTicht. Le 18 mars 1735, il obtient l'emploi envié d'organiste de la cathédrale Saint-Lambert en Templacement de Hemi Godet. Il quitte dès lOTS la maîtTise de Saint-MaTtin pour se consaCTer à sa nouvelle chaTge. Il est d'ailleurs, semble-t-il, chanoine mineuT et bénéficier de l'illustTe cathédrale. On sait enCOTe que ses gages furent augmentés de 5 florins en novembre 1738 et qu'en 1740 il logeait au n° 38 de la rue de la Cité, chez la veuve Libert et ses enfants. La même année, éCTit José Quitin, il présente au chapitre de Saint-Lambert, qui en accepte la dédicace, des pièces de musique à imprimer. Et de se demander s'il ne s'agit pas là des (trois?) Sonates pour deux violons et nasse éditées chez les demoiselles Libert, ses logeuses, à Liège. Cette partition est hélas ! perdue, de même que la grande Messe à deux choeurs évoquée plus haut. Renotte, tout comme Gresnick, meurt fort jeune, vraisemblablement quelque temps avant le 23 juin 1745, date à laquelle la place d'organiste devenue vacante paT sa disparition est postulée par les abbés Nicolas Pennas et Hemy Delvaux. Le chapitTe, en date du 7 juillet, leur préféra l'abbé J.-G. LelaTge, lequel provenait, comme Renotte, de l'église Saint-Martin.
*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'université de Louvain 3/3_* Autre constatation, également en rapport avec le concept de « suite ": Renotte néglige délibérément tout emprunt au canevas traditionnel forgé par FTOberger, Bach, Haendel, Couperin et Rameau. On n'y trouve en effet aucun prélude ni allemande, pas plus de courante ni de sarabande. On sait pourtant que ces quelques danses agrémentées de quelques menuet, gavotte ou autre Tigaudon formaient l'ossature traditionnelle de la suite ou de la partita, lesquelles se terminaient immanquablement par une preste gigue. En fait de danses, Renotte se montre même parcimonieux: sur 67 pièces, pas plus de onze menuets (le plus souvent par paire), huit rondeaux, trois gigues, une seule musette, une sicilienne, une pastorale et une folie. Tout le reste est constitué notamment de quelques marches et de pièces de caractère comme « la Badinne » ou « l'En .. joué ", mais la plus grande partie du recueil est réservée aux allegros et andantes. Ceci est très significatif d'une mode italienne de< la sonate qui commençait alors à ébranler sérieusement l'antique suite. La construction des pièces demeure néanmoins monothématique et l'allure en est toute baroque: l'écriture reste polyphonique mais est réduite imm1Lablement à deux seules et uniques parties, le soprano et la basse. Encore est-il extrêmement rare d'y rencontrer fût-ce une ébauche de fugato ou d'imitation (sauf par exemple dans « la Badinne », première pièce de la suite en la mineur). Par contre certains topiques du style préclassique, alors en pleine formation, s'y décèlent aisément: ,basses dites d'A lberti (accords brisés); successions harmoniques «ultra" - tonales (basses répétées sur les degrés III - IV - V - 1); modulations peu éloignées (du ton principal au relatif, à la dominante ou à la sous-dominante, puis au relatif du nouveau ton, enfin retour à la dominante et au ton principal); notes répétées; écriture plus violonistique que de clavier (4) ; abus d,e septièmes de dominante; gammes mineures dites « harmoniques » (utilisant la fameuse seconde augmentée: intervalle d'école, plutôt théorique qu'usuel) ; nombreux traits de gammes ascendantes et descendantes sur des basses parfois très vides pour ne pas dire creuses; etc. Tout ceci dénote une écriture quelque peu décadente par rapport à la solidité et à la plénitude de l'art baroque, alors en plein effritement. A la rigueur et à la richesse du baroque, s'opposent désormais la simplicité, la badinerie facile', la ' transparence du style galant préclassique. Renotte se trouve exactement à la jonction des deux mouvements. Si l'allure gé- nérale de sa musique, sa carrure, le situent encore dans l'orbite de Couperin, Rameau et Haendel, ses formules et ses traits lorgnent plus d'une fois vers la « galanterie ,. diaphane des franco-italiens. A cet égard, il est fort comparable à un Claude Balbâtre (Dijon 1727- Paris 1799), voire à un Jacques Duphly (Rouen 1715 - Paris 1789) quoiqu'il ne manifeste ni l'envergure ni la riche inspiration de ce dernier. Il s'agit donc d'un charmant petit maître de province, héritier malgré lui d'une grande tradition de clavecinistes français à laquelle il veut opposer, autant que faire se peut, les allegros de sonates italiennes du style le plus « nouveau », c'est-à-dire le plus facile et souvent le plus creux. Une heureuse symbiose en ressort cependant: union souvent séduisante d'un style français, noble et chargé d'agréments, avec une vivacité italienne, un peu vide dans son excès de notes inutiles. On remarquera, dans le même ordre d'idée, que le choix des titres des pièces indique précisément l'appartenance plus étroite à l'une ou l'autre des deux écoles: ainsi les deux suites de pièces, au contraire, comportent force dénofont- elles partie du répertoire français: n'y trouve-t-on pas les mentions significatives et bien françaises de « La Badinne ",1er et second menuet, rondeau, « L'enjoué ", musette lourée, marche des Pandoures? Ou encore: les « Roulades et harpeggio », rondeau louré, 1er et second menuet, rondeau, gigue, « les bagattelles (sic) ou les folies de Liège ", « menuet en suitte (id.) des folies de Liège" et « allegro de torrent ». Les autres suites ou successions de ' pièces, au contraire, comportent force dénominations italiennes: principalement des allegros et andantes, lesquels sont aussi plus volubiles et plus proches du style d'un Scarlatti ou d'un Platti que d'un Couperin ou d'un Rameau. Néanmoins il convient de reconnaître que Renotte excelle particulièrement dans les rondeaux à la française: tendr~s sans mièvrerie, ils possèdent souvent une grâce et un charme irrésistibles. Le plus réussi, « l'allegro rondeau " en sol majeur à 3/8, qui se trouve vers le milieu de la suite en sol est un modèle du gem'e: l'enchantement qu'il provoque ne va pas sans rappeler une pièce célèbre du grand François Couperin: les « Roseaux » . nnantes de la suite en ut majeur, qui termine le recueil (mais que l'on a disposée au début de la face 1 du disque). Notamment l'incroyable tissu de gammes et d'arpèges à la Scarlatti ou à la Soler, qui, un siècle avant les études de Czerny, fusent avec une virtuosité transcendante dans le morceau d'entrée: les « Roulades et harpeggio ». De même que le brillant et évocateur " allegro de torrent », tout aussi redoutable pour les doigts du claveciniste. Enfin le morceau de choix formé par les très joUes « bagattelles ou folies de Liège» : il s'agit d'un thème de basse obstinée, ou de passacaille, agrémenté de douze variations dont la virtuosité s'amplifie en gradation et que termine un charmant « Menuet en suit te des folies de Liège » faisant en quelque sorte office de variation finale. Le thème de la basse n'a rien à voir avec ceux des folies dites d'Espagne qu'illustrèrent Corelli, Lully et bien d'autres jusqu'à Cherubini et Liszt. C'est un thème passe-partout basé sur un mouvement de tierces s'enlaçant autour d'une marche de basse très courante: l - V - VI - III - IV - 1, ce qui donne la succession suivante: do-mi-doj sol-si-soljla-do-Iajmi-sol-mijfa-Ia-fajdo etc. Thème et variations qui ne laissent pas de rappeler le célèbre « canon » de Pachelbel et qui, comme lui, et comme toutes les passacailles d'ailleurs, provoquent par la répétition obstinée de la même basse, une impression d'envoûtement, au demeurant fort prenante. Dans l'état actuel des recherches, ces folies de Liège paraissent uniques dans la cité ardente: il ne semble pas, en effet, que le compositeur ait repris) un thème en honneur dans sa ville natale. Sans doute l'a-t-il, lui-même, forgé de toutes pièces et imposé comme tel à ses concitoyens. C'est tout .ce que l'on peut en dire aujourd'hui. Il faut ajouter que la vogue des folies avait fort diminué depuis le XVIIe siècle. Cependant Pergolèse, Carl-Philipp-Emmanuel Bach et quelques autres, dont Grétry, en ont encore écrites en plein XVIIIe siècle. Et José Quitin nous rappelle fort à propos que Jean-Noël Hamal, dans l'un de ses opéras wallons, Les Ypocondes, en cite volontiers l'usage. Mais tout cela n'explique pas l'origine liégeoise dont Renotte veut affubler ses variations. Sans doute ne saura-t-on jamais le fin mot de cette affaire. Très heureusement la musique en est fort belle et plus qu'intéressante. Contentonsnous donc de cela, et c'est d'ailleurs la meilleure part. Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'Université de Louvain.
*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'Université de Louvain.2/3_* Le catalogue des oeuvres de Renotte n'est pas fort étendu. Il se compose de quelques ouvrages religieux ainsi que de pièces de musique de chambre. Outre les deux oeuvres perdues, c'est-à-dire la Messe et les Sonates citées ci-dessus, il convient de mentionner les six Vêpres de 1733 conservées à Maastricht; un Magnificat en ré majeur pour 4 voix, violons et orgue daté de 1738 (manuscrit du fonds Terry). Un autre Magnificat en ré, ainsi que des Litanies en ut, écrits pour le même ensemble, se trouvent à la cathédrale de Namur. Vannes cite également une Messe à 4 voix et orchestre dont on ignore le lieu de dépôt. On conserve encore, au fonds Terry, ses Six Sonates pour clavecin également propres pour un violon ou pour une flûte traversière avec la basse, op. 1, publiées à Liège chez l'auteur (3) ; ses Sei Sonate a tre op. 2 également publiées à Liège, chez André (exemplaire incomplet); enfin son recueil manuscrit, vraisemblablement autographe, portant le titre de Pièces de clavecin composées par Monsieur Renotte. L'ouvrage contient une mention de propriété signée par son successeur, Lelarge, et datée de 1749, soit quatre ans après la mort du musicien. Une étude seneuse doit encore être faite sur ces quelques oeuvres dont certaines à première lecture, paraissent fort estimables quoiqu'elles ne se distinguent en rien de la production courante de l'époque. Les Six Sonates pour clavecin op. 1, pas plus que les Sei Sonate a tre op. 2 ne font preuve de grande originalité. Néanmoins les Pièces de clavecin que nous eûmes le bonheur de retrouver à leur place, bien qu'Auda les prétendît égarées, dénotent des qualités nettement supérieures, qui justifient l'enregistrement, malheureusement partiel, que nous présentons ici. Le recueil qui compte 104 pages de musique manuscrite en format in-4° (32,5 X 21,5 cm) a appartenu, on l'a dit, à son successeur, l'organiste J.-G. Lelarge lequel - simple parenthèse - signe par deux fois Delarge et non Lelarge (voir en frontispice et page 93). Il est daté de 1749 et contient, outre 82 pages de pièces de clavecin de Renotte, 22 autres pages de pièces diverses alternativement pour orgue et pour clavecin: certaines sont anonymes - peut-être sont-elles de Renotte mais on l'ignore - et d'autres sont attribuées à Leonardo Leo, à Lancetti ainsi qu'à « Monsieur Hamal» : JeanNoël en l'occurence. La date exacte du recueil n'est donc pas connue. Mais on peut, sous toute réserve, avancer la période 1740-1745, ceci en raison du style plus évolué, plu's mûri que dans les opus 1 et 2 qui datent, quant à eux, d'au moins 1739-1740 (voir à cet effet une mention de l'autenT à la fin de son op. 1). Sans constituer, à proprement parler un recneil de suites ponr clavecin, l'ouvrage se présente néanmoins comme une succession de morceaux groupés par tonalités: 7 morceaux en la mineur (quelques-uns en majeur); 5 morceaux en si b majeur; 5 morceaux en fa majeur; 19 morceaux en sol majeur (quelquesuns en mineur); 7 morceaux en ré mineur (dont Un bref menuet en majeur) ; 12 morceaux en ré majeur; enfin 12 pièces en ut majeur, ton relatif du la mineur par lequel débute le recneil. Ce qui fait au total sept « suites » . Mais on pourrait tout aussi bien scinder la succession des pièces en sol et obtenir ainsi un chiffre de hnit « suites » plus ou moins symétriques.. On sait qu'à l'époque, la mode en était, surtout pour les publications, au chiff1'e de six. C'est ainsi que parurent pendant tout le XVIIIe siècle un nombre incalculable de recueils constitués de six suites 'ou six sonates. Dans le cas du livre de Renotte, il ne semble pas que le compositeur ait réellement songé à une publication, sinon peut-être pour les trois premières suites: celles-ci sont suffisamment ramassées et élagnées pour être jouées intégralement sans crainte de lasser l'anditeur... ou l'exécutant. Mais il est évident qu'à partir de la quatrième (en sol), Renotte a abandonné tout projet de publication et s'est amusé à empiler allegro sur andante, andante sur menuet, menuet sur rondeau et ainsi de suite. La série en ré mineur est à nouveau plus bT'ève mais les suites en ré majeur et ut majeur qui terminent le livre sont de nouveau trop étoffées pour être jouées intégralement, du moins en concert. En fait, il n'y faut point trop rechercher la " suite» à tout prix. L'auteur l'annonce bien: ce ne sont que « pièces de clavecin ». Un peu à la manière des clavecinistes du siècle précédent qui livraient de longues successions - et non des suites, la nuance est subtile - de morceaux en tous genres: parfois plusieurs courantes ou gavottes à la queue leu leu, et dans le même ton évidemment. L'exécutant devait y opérer un choix judicieux. C'est d'ailleurs l'option qui a été prise pour le présent enregistrement, encore que celÇL se justifie beaucoup moins pour le disque q'l1e pour le concert: les " intégrales » sont non seulement à la mode mais fort utiles pour la connaissance intime d'un compositeur, surtout lorsque celuici, totalement inconnu, affiche d'incontestables et fort convaincantes qualités.
*_Jos van Immerseel wrote about the instrument in the French language 1/1_*
LE CLAVECIN
Le clavecin de Jos van Immerseel fut construit,
pour son seul usage, en 1973, par le jeune
facteur Belge, Walter Maene (St. Eloois-Vijve,
FI. Or.), d'après un clavecin original « RuckersTaskin
" (le célèbre clavecin doré) de la collection
Thibault, conservé au « Musée Instrumental
du Conservatoire National Supérieur de
Musique " à Paris. L'original fut construit à
Anvers en 1646 par Andreas Ruckers, et élargi
à 5 octaves par Pascal Taskin à Paris en 1780,
selon l'usage en vogue au XVIIIe siècle.
Andreas Ruckers, était le second fils de
Hans Ruckers, le fondateur de la plus importante
dynastie de facteurs de clavecins aux
XVIe et XVIIe siècles. Les clavecins de Ruckers
eurent, surtout pour leur sonorité « argentée
», une vogue énorme dans le monde,
égale à celle des violons de Stradivarius. Cependant,
les clavecins flamands avaient une
étendue de quatre octaves seulement, qui ne
permettait pas d'exécuter les pièces de clavecin
du XVIIIe siècle. Les plus célèbres facteurs
de clavecins, surtout en France, devinrent des
spécialistes du « grand ravalement », opération
qui consistait à ajouter quelques touches en
haut et en bas du clavier, afin d'obtenir une
étendue de cinq octaves. Pascal Taskin, né à
Theux au Pays de Liège en 1723, vint travailler
à Paris où il entra dans l'atelier de François
Etienne (II) Blanchet. Il avait choisi le
meilleur maître. Après la mort de celui-ci
(1766) , Taskin fut reçu maître et épousa sa
veuve. Il était « facteur de clavecins du Roi ",
le plus renommé des facteurs parisiens, et le
plus grand spécialiste du « ravalement ".
C'est lui donc, qui a renouvelé le clavecin
d'Andreas Ruckers: il fit un nouveau sommier,
de nouveaux claviers, ajouta quelques centimètres
de bois à la table d'harmonie et élargit
la caisse de résonnance. En même temps il
ajouta une rangée de sautereaux avec des becs
de cuir très mou, le « peau de buffle » : un registre
d'une sonorité très douce et moelleuse.
Comme les grands facteurs de l'époque,
Walter Maene a construit son clavecin de manière
artisanale, n'utilisant que des bois massifs.
Une caisse de résonance très légère et une
table d'harmonie exceptionnellement résonante
lui assurent la sonorité grave et fondamentale
des clavecins anciens, très éloignée de celle des
clavecins « modernes ".
La partie mécanique est une reconstitution
en tout point identique à l'original (l'état de
1780): les sautereaux sont entièrement faits
de bois (sans vis de réglage), les languettes
restent à lem' place grâce aux balanciers en
soie de porc, les claviers sont des copies rigoureuses,
quant aux épaisseurs et à l'équilibre.
Le toucher ainsi obtenu est très léger, le contact
claveciniste-clavecin extrêmement bon. Le
changement de jeux se fait par tirettes manuelles.
Cet instrument est le résultat d'un nouvel
esprit qui souffle sur le monde musical: un
retour aux instruments anciens pour l'interprétation
des compositions des grands maîtres,
inspirés à leur époque par des instruments de
même valeur.
Parmi les nombreuses copies du clavecin
doré Ruckers-Taskin, celle de Walter Maene
peut à juste titre être considérée comme exceptionnelle,
tant au point de vue sonorité que
construction.
Caractéristiques:
3 rangs de cordes: deux à l'unisson (8
pieds) et un à l'octave (4 pieds) 4 rangs de
sautereaux. Les becs sont en delrine pour les
3 jeux ordinaires, en cuir très mou pour le
« peau de buffle ".
2 claviers, étendue de 5 octaves (61 notes),
FF-f"'.
Accouplement des claviers à la française
(le clavier supérieur coulisse sur le clavier inférieur
).
Clavier Supérieur: Jeu de 8 pieds, Jeu de
harpe ou luth.
. Clavier Inférieur: Jeu de 8 pieds, Jeu de
4 pieds, « peau de buffle" (sur la même corde
que le jeu principal de 8 pieds).
Accord: presque un demi-ton au-dessous
du diapason moderne.
L'interprète a accordé selon les tempéraments
en usage à l'époque pour les instruments
à clavier, essentiellement fondé sur des tierces
majeures parfaites (
RENOTTE... what a composer !!! and this magic, magic cembalo. Mercy, mercy !!!!
Thank you once again for offering an amazing discovery of a unknown composer, to me at least..
Enjoy the music.
JOS... a giant and MARGA the queen
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*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'Université de Louvain.1/3_*
Hubert RENOTTE (Liège 1704-1745)
PIECES DE CLAVECIN
La frontière italo-française passerait-elle
par Liège? On l'a souvent dit. Et cela se vérifie
à plus d'un titre. Dans le domaine des arts
et particulièrement de la musique ce n'est pas
étonnant si l'on se souvient que la fondation
Darchis, ou collège liégeois de Rome; qui fut
créée à la fin du 17e siècle, accueillit pendant
une centaine d'années une bonne partie de la
jeunesse bien douée de la principauté: peintres,
sculpteurs, étudiants en droit et en théologîe,
mais aussi musiciens. Il suffit de citer les deux
Hamal, l'infortuné Gresnick et l'immortel Grétry
pOUr souligner les bienfaits de cette fondation
pour la vie musicale liégeoise. Néanmoins
Hubert Renotte, musicien dont On exhume ici
pour la première fois les oeuvres, ne paraît pas
avoir fréquenté le collège liégeois de la ville
éternelle. Son nom n'apparaît pas dans les inventaires
dressés par Monique De Smet (1).
Il est vrai que, faute d'archives suffisantes, ces
listes sont fort incomplètes, l'auteur en convient
lui-même. Serait-il passé à Naples? On
sait en effet que certains ex-choraux liégeois
fréquentèrent les conservatoires renommés de
la grande cité pOTtuaire. Ils ne. devaient pas
pOUT autant demeUTeT à Rome, sinon pour de
tTès brefs passages, lesquels ne sont même pas
absolument prouvés. C'est le cas de Gresnick
(Liège 1755 - Paris 1799), autre figuTe attachante
du patTimoine musical liégeois, également
mis au jour par l'auteur de ces lignes et
qui fit l'objet d'une gravure sur disque dans
la présente collection, en 1972.
Si cette question d'un passage de Renotte
en Italie reste ouverte, elle mérite assuTément
d'être posée tant il saute aux yeux - plutôt
aux oreilles - que son écriture participe tout
autant du style italien que du français. Mais
il est bien d'a'/!-tres questions qui sUTgissent à
son propos. Car, que sait-on au juste de son
e:r:istence, de sa carrière, de son oeuvre? Peu
de choses, il faut l'admettre. José Quitin, qui
signe la plus récente notice sur Renotte (2)
dépasse par ses recherches tous les faits rapportés
par Fétis, Eitner, Auda et Vannes. C'est
d'ailleurs à son texte que l'on devra tous les
éléments biographiques présentés succinctement
ici.
Fils de Joseph Renotte et d'Agnès de
Clercq, Hubert Renotte est baptisé à Saint-
Nicolas en Outremeuse, le 24 février 1704. Cette
date corrige toutes celles, fantaisistes, avancées
par les musicographes antérieurs. Il est l'aîné
d'une famille de neuf enfants. Le début de sa
carrière demeure jusqu'à présent inconnu. Ainsi
que cela a été exposé plus haut, nulle trace n'a
été retrouvée de son éventuel appTentissage en
Italie. Mais Léonard Terry, le musicographe
liégeois bien connu du XIXe siècle, prétend
qu'il fut maître de chant à Tongres. Cette assertion
doit enCOTe êtTe vérifiée dans les archives.
Mais quelques jours à peine après son 26e
anniveTsaire, le 27 févrieT 1730, on le retrouve
à Liège où il est engagé comme phonascus à
Saint-Martin en remplacement de Jahovin. On
sait qu'en 1733 les archives parlent de lui à
propos d'une grande Messe à deux choeuTs de
sa composition. La même année, il termine un
ensemble de six Vêpres faisant partie d'un Tecueil
de Psaumes d'auteuTs diveTs, conservé à
la basilique Notre-Dame de MaastTicht.
Le 18 mars 1735, il obtient l'emploi envié
d'organiste de la cathédrale Saint-Lambert en
Templacement de Hemi Godet. Il quitte dès
lOTS la maîtTise de Saint-MaTtin pour se consaCTer
à sa nouvelle chaTge. Il est d'ailleurs,
semble-t-il, chanoine mineuT et bénéficier de
l'illustTe cathédrale. On sait enCOTe que ses
gages furent augmentés de 5 florins en novembre
1738 et qu'en 1740 il logeait au n° 38 de
la rue de la Cité, chez la veuve Libert et ses
enfants. La même année, éCTit José Quitin, il
présente au chapitre de Saint-Lambert, qui en
accepte la dédicace, des pièces de musique à
imprimer. Et de se demander s'il ne s'agit pas
là des (trois?) Sonates pour deux violons et
nasse éditées chez les demoiselles Libert, ses
logeuses, à Liège. Cette partition est hélas !
perdue, de même que la grande Messe à deux
choeurs évoquée plus haut.
Renotte, tout comme Gresnick, meurt fort
jeune, vraisemblablement quelque temps avant
le 23 juin 1745, date à laquelle la place d'organiste
devenue vacante paT sa disparition est
postulée par les abbés Nicolas Pennas et Hemy
Delvaux. Le chapitTe, en date du 7 juillet, leur
préféra l'abbé J.-G. LelaTge, lequel provenait,
comme Renotte, de l'église Saint-Martin.
*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'université de Louvain 3/3_*
Autre constatation, également en rapport
avec le concept de « suite ": Renotte néglige
délibérément tout emprunt au canevas traditionnel
forgé par FTOberger, Bach, Haendel,
Couperin et Rameau. On n'y trouve en effet
aucun prélude ni allemande, pas plus de courante
ni de sarabande. On sait pourtant que
ces quelques danses agrémentées de quelques
menuet, gavotte ou autre Tigaudon formaient
l'ossature traditionnelle de la suite ou de la
partita, lesquelles se terminaient immanquablement
par une preste gigue. En fait de danses,
Renotte se montre même parcimonieux:
sur 67 pièces, pas plus de onze menuets (le
plus souvent par paire), huit rondeaux, trois
gigues, une seule musette, une sicilienne, une
pastorale et une folie. Tout le reste est constitué
notamment de quelques marches et de pièces
de caractère comme « la Badinne » ou « l'En ..
joué ", mais la plus grande partie du recueil
est réservée aux allegros et andantes. Ceci est
très significatif d'une mode italienne de< la
sonate qui commençait alors à ébranler sérieusement
l'antique suite.
La construction des pièces demeure néanmoins
monothématique et l'allure en est toute
baroque: l'écriture reste polyphonique mais
est réduite imm1Lablement à deux seules et
uniques parties, le soprano et la basse. Encore
est-il extrêmement rare d'y rencontrer fût-ce
une ébauche de fugato ou d'imitation (sauf par
exemple dans « la Badinne », première pièce
de la suite en la mineur). Par contre certains
topiques du style préclassique, alors en pleine
formation, s'y décèlent aisément: ,basses dites
d'A lberti (accords brisés); successions harmoniques
«ultra" - tonales (basses répétées sur
les degrés III - IV - V - 1); modulations peu
éloignées (du ton principal au relatif, à la dominante
ou à la sous-dominante, puis au relatif
du nouveau ton, enfin retour à la dominante
et au ton principal); notes répétées; écriture
plus violonistique que de clavier (4) ; abus d,e
septièmes de dominante; gammes mineures dites
« harmoniques » (utilisant la fameuse seconde
augmentée: intervalle d'école, plutôt
théorique qu'usuel) ; nombreux traits de gammes
ascendantes et descendantes sur des basses
parfois très vides pour ne pas dire creuses;
etc. Tout ceci dénote une écriture quelque peu
décadente par rapport à la solidité et à la plénitude
de l'art baroque, alors en plein effritement.
A la rigueur et à la richesse du baroque,
s'opposent désormais la simplicité, la badinerie
facile', la ' transparence du style galant préclassique.
Renotte se trouve exactement à la
jonction des deux mouvements. Si l'allure gé-
nérale de sa musique, sa carrure, le situent
encore dans l'orbite de Couperin, Rameau et
Haendel, ses formules et ses traits lorgnent
plus d'une fois vers la « galanterie ,. diaphane
des franco-italiens. A cet égard, il est fort
comparable à un Claude Balbâtre (Dijon 1727-
Paris 1799), voire à un Jacques Duphly (Rouen
1715 - Paris 1789) quoiqu'il ne manifeste ni
l'envergure ni la riche inspiration de ce dernier.
Il s'agit donc d'un charmant petit maître
de province, héritier malgré lui d'une grande
tradition de clavecinistes français à laquelle
il veut opposer, autant que faire se peut, les
allegros de sonates italiennes du style le plus
« nouveau », c'est-à-dire le plus facile et souvent
le plus creux. Une heureuse symbiose en
ressort cependant: union souvent séduisante
d'un style français, noble et chargé d'agréments,
avec une vivacité italienne, un peu vide
dans son excès de notes inutiles.
On remarquera, dans le même ordre d'idée,
que le choix des titres des pièces indique précisément
l'appartenance plus étroite à l'une ou
l'autre des deux écoles: ainsi les deux suites
de pièces, au contraire, comportent force dénofont-
elles partie du répertoire français: n'y
trouve-t-on pas les mentions significatives et
bien françaises de « La Badinne ",1er et second
menuet, rondeau, « L'enjoué ", musette
lourée, marche des Pandoures? Ou encore: les
« Roulades et harpeggio », rondeau louré, 1er
et second menuet, rondeau, gigue, « les bagattelles
(sic) ou les folies de Liège ", « menuet
en suitte (id.) des folies de Liège" et « allegro
de torrent ». Les autres suites ou successions
de ' pièces, au contraire, comportent force dénominations
italiennes: principalement des allegros
et andantes, lesquels sont aussi plus volubiles
et plus proches du style d'un Scarlatti ou
d'un Platti que d'un Couperin ou d'un Rameau.
Néanmoins il convient de reconnaître que Renotte
excelle particulièrement dans les rondeaux
à la française: tendr~s sans mièvrerie,
ils possèdent souvent une grâce et un charme
irrésistibles. Le plus réussi, « l'allegro rondeau
" en sol majeur à 3/8, qui se trouve vers
le milieu de la suite en sol est un modèle du
gem'e: l'enchantement qu'il provoque ne va
pas sans rappeler une pièce célèbre du grand
François Couperin: les « Roseaux » .
nnantes de la suite en ut majeur, qui termine
le recueil (mais que l'on a disposée au
début de la face 1 du disque). Notamment l'incroyable
tissu de gammes et d'arpèges à la
Scarlatti ou à la Soler, qui, un siècle avant les
études de Czerny, fusent avec une virtuosité
transcendante dans le morceau d'entrée: les
« Roulades et harpeggio ». De même que le
brillant et évocateur " allegro de torrent »,
tout aussi redoutable pour les doigts du claveciniste.
Enfin le morceau de choix formé par
les très joUes « bagattelles ou folies de Liège» :
il s'agit d'un thème de basse obstinée, ou de
passacaille, agrémenté de douze variations dont
la virtuosité s'amplifie en gradation et que
termine un charmant « Menuet en suit te des
folies de Liège » faisant en quelque sorte office
de variation finale. Le thème de la basse
n'a rien à voir avec ceux des folies dites d'Espagne
qu'illustrèrent Corelli, Lully et bien
d'autres jusqu'à Cherubini et Liszt. C'est un
thème passe-partout basé sur un mouvement
de tierces s'enlaçant autour d'une marche de
basse très courante: l - V - VI - III - IV - 1,
ce qui donne la succession suivante: do-mi-doj
sol-si-soljla-do-Iajmi-sol-mijfa-Ia-fajdo etc. Thème
et variations qui ne laissent pas de rappeler
le célèbre « canon » de Pachelbel et qui,
comme lui, et comme toutes les passacailles
d'ailleurs, provoquent par la répétition obstinée
de la même basse, une impression d'envoûtement,
au demeurant fort prenante. Dans
l'état actuel des recherches, ces folies de Liège
paraissent uniques dans la cité ardente: il ne
semble pas, en effet, que le compositeur ait
repris) un thème en honneur dans sa ville natale.
Sans doute l'a-t-il, lui-même, forgé de
toutes pièces et imposé comme tel à ses concitoyens.
C'est tout .ce que l'on peut en dire
aujourd'hui. Il faut ajouter que la vogue des
folies avait fort diminué depuis le XVIIe siècle.
Cependant Pergolèse, Carl-Philipp-Emmanuel
Bach et quelques autres, dont Grétry, en
ont encore écrites en plein XVIIIe siècle. Et
José Quitin nous rappelle fort à propos que
Jean-Noël Hamal, dans l'un de ses opéras wallons,
Les Ypocondes, en cite volontiers l'usage.
Mais tout cela n'explique pas l'origine liégeoise
dont Renotte veut affubler ses variations. Sans
doute ne saura-t-on jamais le fin mot de cette
affaire. Très heureusement la musique en est
fort belle et plus qu'intéressante. Contentonsnous
donc de cela, et c'est d'ailleurs la meilleure
part.
Philippe MERCIER,
professeur de musicologie
à l'Université de Louvain.
*_Hubert Renotte by Philippe MERCIER, professeur de musicologie à l'Université de Louvain.2/3_*
Le catalogue des oeuvres de Renotte n'est
pas fort étendu. Il se compose de quelques
ouvrages religieux ainsi que de pièces de musique
de chambre. Outre les deux oeuvres perdues,
c'est-à-dire la Messe et les Sonates citées
ci-dessus, il convient de mentionner les six
Vêpres de 1733 conservées à Maastricht; un
Magnificat en ré majeur pour 4 voix, violons
et orgue daté de 1738 (manuscrit du fonds
Terry). Un autre Magnificat en ré, ainsi que
des Litanies en ut, écrits pour le même ensemble,
se trouvent à la cathédrale de Namur.
Vannes cite également une Messe à 4 voix et
orchestre dont on ignore le lieu de dépôt. On
conserve encore, au fonds Terry, ses Six Sonates
pour clavecin également propres pour un
violon ou pour une flûte traversière avec la
basse, op. 1, publiées à Liège chez l'auteur (3) ;
ses Sei Sonate a tre op. 2 également publiées à
Liège, chez André (exemplaire incomplet);
enfin son recueil manuscrit, vraisemblablement
autographe, portant le titre de Pièces de clavecin
composées par Monsieur Renotte. L'ouvrage
contient une mention de propriété signée
par son successeur, Lelarge, et datée de
1749, soit quatre ans après la mort du musicien.
Une étude seneuse doit encore être faite
sur ces quelques oeuvres dont certaines à première
lecture, paraissent fort estimables quoiqu'elles
ne se distinguent en rien de la production
courante de l'époque. Les Six Sonates
pour clavecin op. 1, pas plus que les Sei Sonate
a tre op. 2 ne font preuve de grande originalité.
Néanmoins les Pièces de clavecin que nous
eûmes le bonheur de retrouver à leur place,
bien qu'Auda les prétendît égarées, dénotent
des qualités nettement supérieures, qui justifient
l'enregistrement, malheureusement partiel,
que nous présentons ici.
Le recueil qui compte 104 pages de musique
manuscrite en format in-4° (32,5 X 21,5 cm)
a appartenu, on l'a dit, à son successeur, l'organiste
J.-G. Lelarge lequel - simple parenthèse
- signe par deux fois Delarge et non Lelarge
(voir en frontispice et page 93). Il est daté
de 1749 et contient, outre 82 pages de pièces de
clavecin de Renotte, 22 autres pages de pièces
diverses alternativement pour orgue et pour
clavecin: certaines sont anonymes - peut-être
sont-elles de Renotte mais on l'ignore - et
d'autres sont attribuées à Leonardo Leo, à
Lancetti ainsi qu'à « Monsieur Hamal» : JeanNoël
en l'occurence. La date exacte du recueil
n'est donc pas connue. Mais on peut, sous toute
réserve, avancer la période 1740-1745, ceci en
raison du style plus évolué, plu's mûri que dans
les opus 1 et 2 qui datent, quant à eux, d'au
moins 1739-1740 (voir à cet effet une mention
de l'autenT à la fin de son op. 1).
Sans constituer, à proprement parler un
recneil de suites ponr clavecin, l'ouvrage se
présente néanmoins comme une succession de
morceaux groupés par tonalités: 7 morceaux
en la mineur (quelques-uns en majeur); 5
morceaux en si b majeur; 5 morceaux en fa
majeur; 19 morceaux en sol majeur (quelquesuns
en mineur); 7 morceaux en ré mineur
(dont Un bref menuet en majeur) ; 12 morceaux
en ré majeur; enfin 12 pièces en ut majeur,
ton relatif du la mineur par lequel débute le
recneil. Ce qui fait au total sept « suites » .
Mais on pourrait tout aussi bien scinder la
succession des pièces en sol et obtenir ainsi un
chiffre de hnit « suites » plus ou moins symétriques..
On sait qu'à l'époque, la mode en
était, surtout pour les publications, au chiff1'e
de six. C'est ainsi que parurent pendant tout le
XVIIIe siècle un nombre incalculable de recueils
constitués de six suites 'ou six sonates.
Dans le cas du livre de Renotte, il ne semble
pas que le compositeur ait réellement songé à
une publication, sinon peut-être pour les trois
premières suites: celles-ci sont suffisamment
ramassées et élagnées pour être jouées intégralement
sans crainte de lasser l'anditeur... ou
l'exécutant. Mais il est évident qu'à partir de
la quatrième (en sol), Renotte a abandonné
tout projet de publication et s'est amusé à
empiler allegro sur andante, andante sur menuet,
menuet sur rondeau et ainsi de suite.
La série en ré mineur est à nouveau plus bT'ève
mais les suites en ré majeur et ut majeur qui
terminent le livre sont de nouveau trop étoffées
pour être jouées intégralement, du moins en
concert. En fait, il n'y faut point trop rechercher
la " suite» à tout prix. L'auteur l'annonce
bien: ce ne sont que « pièces de clavecin ».
Un peu à la manière des clavecinistes du siècle
précédent qui livraient de longues successions
- et non des suites, la nuance est subtile -
de morceaux en tous genres: parfois plusieurs
courantes ou gavottes à la queue leu leu, et
dans le même ton évidemment. L'exécutant devait
y opérer un choix judicieux. C'est d'ailleurs
l'option qui a été prise pour le présent
enregistrement, encore que celÇL se justifie
beaucoup moins pour le disque q'l1e pour le
concert: les " intégrales » sont non seulement
à la mode mais fort utiles pour la connaissance
intime d'un compositeur, surtout lorsque celuici,
totalement inconnu, affiche d'incontestables
et fort convaincantes qualités.