Ayn Rand : La grève (Atlas shrugged)
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- Опубліковано 6 лют 2025
- Si l’on met à part les 70 pages, statiques et un peu indigestes, du manifeste radiophonique de John Galt, La grève (Atlas shrugged) d’Ayn Rand, est un roman passionnant, l’extraordinaire portrait d’une Amérique dystopique et bien-pensante qui, a force de pseudo altruisme et de vraie hypocrisie, serait, dans les années cinquante, entrée en décadence. Et l’on suit, sur plus de 1300 pages, les efforts de Dagny Taggart, femme d’affaires courageuse et héroïque, pour insuffler dynamisme et renouveau à cette société qui, rejetant l’argent, le profit, la compétition et l’innovation au profit d’une mauvaise conscience prétendument emplie de bienveillance, devient un marshmallow informe que les entrepreneurs, privés du fruit de leur travail et interdits d’entreprendre, décident de boycotter pour ne plus prêter main-forte au saccage.
C’est une caricature, outrée et abusivement simplificatrice dans la description des problématiques, des choix et des solutions possibles, mais on ne peut qu’être fasciné par cette description rageuse, vitriolée, d’un pays qui, ayant renoncé par paresse et couardise à ses valeurs originelles de progrès et de conquête, s’engoncerait progressivement dans une sorte de socialo-molassonnerie et perdrait ainsi sa science, sa technologie, son industrie.
C’est un livre puissant, intelligent et bien mené, qui développe une critique complète et cohérente de l’antilibéralisme, dépeint comme une idéologie destructrice, hypocrite, mortifère, malfaisante et peut-être même maléfique. Et cette description est, en dépit de ses faiblesses et outrances, d’autant plus fascinante et dérangeante qu’on peut, à chaque page, trouver trace, écho ou racine de comportements qui, 70 ans plus tard (le livre date de 1957) sont tellement passés dans les mœurs et les pratiques communes qu’on ne les remarque plus. Et au fond de tout cela, une ode joyeuse à la vie, à l’amour, à l’audace, à la femme, à l’homme, à la création et au génie humains, et une critique tout aussi radicale du bouddhisme, du christianisme, de la notion de pêché originel, de tous les mysticismes et de toutes les constructions mentales et idéologiques qui, sous couvert d’altruisme et de défense des faibles, s’attaquent finalement à l’humanité de l’homme.
Le monde et l’idéologie d’Ayn Rand, son humanisme et son athéisme radicaux, sont exactement contraires à ceux de Franck Capra et il y a d’ailleurs, dans La grève, un chapitre qui a probablement été conçu par la scénariste qu’était Ayn Rand comme l’exact symétrique du Shangri-La de Horizons perdus, tout comme la superbe héroïne du livre, Dagny Taggart, est, dans son énergie et son tempérament, l’exact contraire de la modération et de l’altruisme chers aux personnages de films de Franck Capra.
Ce que dénonce Ayn Rand, c’est la perversité d’une idéologie qui, en prétendant faire de l’altruisme la valeur suprême, en prétendant donner à chacun selon ses besoins et non selon ses mérites, casse les ressorts intimes de l’action, ce qui non seulement rend impossible l’atteinte des objectifs mais génère une pensée malfaisante parce imbibée de mauvaise foi et générant de la mauvaise conscience.
Alors, bien sûr, le discours d’Ayn Rand est-il un hymne débridé à l’argent, au dollar et à la recherche égoïste du profit ; bien sûr sa philosophie est-elle scandaleusement industrialiste, productiviste et totalement déconnectée de nos préoccupations écologiques et planétaires ; bien sûr, est elle l’auteure favorite de Donald Trump, l’héroïne des Libertariens, et probablement l’égérie des Qanons ; il n’empêche : La grève est un monument qui permet de jeter un regard neuf et acéré sur nos travers les plus intimes.
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