Bonjour Nicolas, merci infiniment pour la clarté de vos 2 vidéos sur Nietzsche ! Je souhaiterais vous soumettre mon interprétation : Nietzsche déconstruit les idéaux contemporains comme ceux de la vérité, du bien et du mal. Il les déconstruit dans le but de nous rediriger vers l'idéal aristocratique, et ainsi adopter la morale des forts. À première vue, j'ai trouvé cela contradictoire, à quoi bon remplacer un idéal par un autre idéal ? si l'un est faux, l'autre l'est alors tout autant. Mais finalement, l'idéal aristocratique, lui a véritablement existé pendant l'Antiquité, les forts dominaient les faibles et on alors érigé les valeurs des forts comme valeurs du Bien. Mais cet idéal contemporain, celui de Platon, celui du Christianisme et de bon nombre de philosophes, n'a jamais vraiment existé, du moins nous n'avons pas de preuves tangibles, je crois. Pensez-vous que c’est comme cela qu'on pourrait supprimer cette contradiction ?
Bonjour, C'est une question très difficile qui va droit à l'essentiel ! Elle porte néanmoins plus sur l'axe moral que sur celui de la vérité. C'est en effet contradictoire. Il est courant chez les commentateurs d'opposer deux aspects chez Nietzsche : d'une part il est relativiste (critique du concept de vérité, de toute forme d'idéal, etc.), mais d'autre part il semble réaliste (il prétend décrire le réel, aux travers de jugements vrais donc, via les concepts de volonté de puissance, d'éternel retour, de ressentiment, etc.). La réponse la plus courante chez les commentateurs, aujourd'hui et en France, consiste à minimiser l'aspect réaliste : à présenter la théorie de la volonté de puissance (et donc l'idéal "aristocratique") comme une interprétation du monde et non comme une réalité. Je suis personnellement très peu convaincu par cette réponse qui rentre trop en contradiction avec le texte. Je pense pour ma part que Nietzsche ne condamne pas tout système de valeurs. Dire cela, c'est ignorer le rôle de la biologie chez Nietzsche. C'est une philosophie de la vie : la vie (et la façon dont il la comprend comme volonté de puissance) est le critère à partir duquel il construit ses nouvelles valeurs "aristocratiques". S'il désigne un système de croyance par le terme "d'idole" ou "d'idéal" c'est uniquement parce que ces derniers rentrent en contradiction avec les intérêts de la vie. La "valeur" d'une morale ou d'une religion ne dépend pas de sa valeur de vérité mais de la façon dont elle sert la vie : voilà pourquoi on peut à la fois rejeter certaines morales et en soutenir d'autres (donc les "idéaux" ne se valent pas, penser cela c'est être "nihiliste", attitude condamnée par Nietzsche), voilà comment réalisme et relativisme peuvent se rejoindre. Et la vie elle-même n'est pas un idéal, elle est ce à partir de quoi les idéaux doivent être jugés : elle est le "ce qui relativise", non pas "ce qui est à relativiser". Il y a donc bien une norme, une norme absolue chez Nietzsche : la vie. Et son relativisme consiste non pas à dire que tout se vaut, mais à tout ordonner sous le concept de vie : la "valeur des valeurs" est relative à la vie. Quant à l'existence de l'idéal ascétique, je vous assure qu'il a bel et bien existé au yeux de Nietzsche, et qu'il existe encore ! Il mute, il évolue, il se "sublime", il ne s'arrête pas au christianisme et il constitue une des deux faces de l'histoire humaine (voir la Généalogie de la morale).
@@nicolasdoucet4610 Cher Nicolas, Est-ce que tu aurais des noms de commentateurs contemporains qui insistent sur le caractère naturaliste de la volonté de puissance et des autres concepts ? L'interprétation de Wotling de la volonté de puissance comme interprétation du monde me semble très pertinente dans PBM dans la mesure où Nietzsche présent bien celle-ci comme une hypothèse. En revanche, pour les textes du dernier Nietzsche, Antéchrist notamment, il ne me semble plus que ce soit le cas, car Nietzsche paraît radicaliser sa pensée et ne plus vouloir qu'elle soit considérée comme une simple interprétation.
Merci pour cette présentation passionnante. Je m’abonne de ce pas… Question : Nietzsche s’est-il déjà interrogé dans son oeuvre sur la capacité de nos methodes de recherche de vérité à produire des prédictions?
Bonjour et merci ! C'est une question complexe qui mériterait un long développement pour répondre correctement. Disons simplement que Nietzsche reconnaît la puissance des prédictions scientifiques mais qu'il n'y voit ni une volonté de vérité authentique, ni une compréhension réelle de ces phénomènes. L'animal est également capable de « prédictions » : en constatant la liaison de deux phénomènes et en mémorisant cette liaison. Bien sûr il ne « comprend » pas la nature de cette liaison. Alors que la plupart des philosophes ont tendance à vouloir distinguer cette simple mémorisation animale et la connaissance scientifique humaine, Nietzsche a tendance à les présenter comme similaires : prédire et comprendre sont deux choses distinctes. Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une théorie est fonctionnelle et qu'elle permet des prédictions qu'elle est pour autant juste : je peux très bien prédire « la nuit arrive je vais donc avoir envie de dormir » comme si la nuit était la cause du sommeil ; cette affirmation est bien évidemment fausse mais il s'avère qu'elle peut tout de même prédire efficacement qu'à l'approche de la nuit je vais effectivement avoir envie de dormir. La capacité d'une théorie à être prédictive n'a jamais été un critère de vérité aux yeux de Nietzsche : c'est en ce sens qu'il critique souvent le « critère de l'efficacité ». Enfin et dernièrement, la façon dont nous cherchons les « lois de la nature » qui sous-tendent nos capacités de prédictions dépend entièrement de nos intérêts en tant que vivants, et en ce sens le réseau des lois naturelles ne reflète pas tant la structure objective du réel que les intérêts d'une forme de vie. Dans le courant de la semaine prochaine une nouvelle vidéo arrive si cela vous intéresse (sur le thème de l'identité personnelle). Merci encore pour votre écoute.
Et voici le bienfait de l'insomnie,cela m'a emmené à déguster ce caviar que vous nous proposer, merci je découvre votre chaîne,je m'abonne direct,.Sans me tromper je pourrais dire que Nierzche est l'un des maîtres de philosophie de soupçon. par excellence,on sent que Freud l'avais lu même s'il n'a pas voulu l'avouer ?
Bonjour et merci pour votre écoute. Il ne me semble pas qu'on ait de preuves que Freud ait lu Nietzsche, néanmoins c'est quelque chose d'assez établi en effet. Il y a en tout cas un point commun central : pour l'un comme pour l'autre la conscience n'est pas la partie principale de l'activité psychique. Ils n'ont par contre pas la même conception de l'inconscient. Mais ce sera peut-être pour une autre vidéo !
la verite est l'ordre naturel ; interdependence , unite , les capacite de la nature ... notres maitre-esse , notre pere , mere ect ... notres but est de decouvrir se qui se passerait si ont allait dans l'ordre des choses , commes la nature , en harmonie avec le tout . tout en prennant en compte le fait de l'amelioration de notres condition , sante , intelligence , capacite ect ... pendent se cheminement ... grossomodo
Merci, c'est rare de trouver des explications aussi directes et pédagogiques.
Wow, merci. Très bon pédagogue.
~ Grand merci. Je partage.
Bonjour et merci de votre intérêt !
Bonjour Nicolas, merci infiniment pour la clarté de vos 2 vidéos sur Nietzsche ! Je souhaiterais vous soumettre mon interprétation :
Nietzsche déconstruit les idéaux contemporains comme ceux de la vérité, du bien et du mal. Il les déconstruit dans le but de nous rediriger vers l'idéal aristocratique, et ainsi adopter la morale des forts.
À première vue, j'ai trouvé cela contradictoire, à quoi bon remplacer un idéal par un autre idéal ? si l'un est faux, l'autre l'est alors tout autant. Mais finalement, l'idéal aristocratique, lui a véritablement existé pendant l'Antiquité, les forts dominaient les faibles et on alors érigé les valeurs des forts comme valeurs du Bien. Mais cet idéal contemporain, celui de Platon, celui du Christianisme et de bon nombre de philosophes, n'a jamais vraiment existé, du moins nous n'avons pas de preuves tangibles, je crois.
Pensez-vous que c’est comme cela qu'on pourrait supprimer cette contradiction ?
Bonjour,
C'est une question très difficile qui va droit à l'essentiel ! Elle porte néanmoins plus sur l'axe moral que sur celui de la vérité.
C'est en effet contradictoire. Il est courant chez les commentateurs d'opposer deux aspects chez Nietzsche : d'une part il est relativiste (critique du concept de vérité, de toute forme d'idéal, etc.), mais d'autre part il semble réaliste (il prétend décrire le réel, aux travers de jugements vrais donc, via les concepts de volonté de puissance, d'éternel retour, de ressentiment, etc.).
La réponse la plus courante chez les commentateurs, aujourd'hui et en France, consiste à minimiser l'aspect réaliste : à présenter la théorie de la volonté de puissance (et donc l'idéal "aristocratique") comme une interprétation du monde et non comme une réalité.
Je suis personnellement très peu convaincu par cette réponse qui rentre trop en contradiction avec le texte. Je pense pour ma part que Nietzsche ne condamne pas tout système de valeurs. Dire cela, c'est ignorer le rôle de la biologie chez Nietzsche. C'est une philosophie de la vie : la vie (et la façon dont il la comprend comme volonté de puissance) est le critère à partir duquel il construit ses nouvelles valeurs "aristocratiques". S'il désigne un système de croyance par le terme "d'idole" ou "d'idéal" c'est uniquement parce que ces derniers rentrent en contradiction avec les intérêts de la vie. La "valeur" d'une morale ou d'une religion ne dépend pas de sa valeur de vérité mais de la façon dont elle sert la vie : voilà pourquoi on peut à la fois rejeter certaines morales et en soutenir d'autres (donc les "idéaux" ne se valent pas, penser cela c'est être "nihiliste", attitude condamnée par Nietzsche), voilà comment réalisme et relativisme peuvent se rejoindre. Et la vie elle-même n'est pas un idéal, elle est ce à partir de quoi les idéaux doivent être jugés : elle est le "ce qui relativise", non pas "ce qui est à relativiser". Il y a donc bien une norme, une norme absolue chez Nietzsche : la vie. Et son relativisme consiste non pas à dire que tout se vaut, mais à tout ordonner sous le concept de vie : la "valeur des valeurs" est relative à la vie.
Quant à l'existence de l'idéal ascétique, je vous assure qu'il a bel et bien existé au yeux de Nietzsche, et qu'il existe encore ! Il mute, il évolue, il se "sublime", il ne s'arrête pas au christianisme et il constitue une des deux faces de l'histoire humaine (voir la Généalogie de la morale).
@@nicolasdoucet4610 Merci infiniment pour votre temps, je vais méditer sur cela, bonne soirée !
Vous m'avez vraiment permis de faire un grand pas dans une réflexion que j'ai depuis longtemps, merci !
@@nicolasdoucet4610 Cher Nicolas,
Est-ce que tu aurais des noms de commentateurs contemporains qui insistent sur le caractère naturaliste de la volonté de puissance et des autres concepts ?
L'interprétation de Wotling de la volonté de puissance comme interprétation du monde me semble très pertinente dans PBM dans la mesure où Nietzsche présent bien celle-ci comme une hypothèse. En revanche, pour les textes du dernier Nietzsche, Antéchrist notamment, il ne me semble plus que ce soit le cas, car Nietzsche paraît radicaliser sa pensée et ne plus vouloir qu'elle soit considérée comme une simple interprétation.
très bonne explication. Merci
Merci pour cette présentation passionnante. Je m’abonne de ce pas…
Question : Nietzsche s’est-il déjà interrogé dans son oeuvre sur la capacité de nos methodes de recherche de vérité à produire des prédictions?
Bonjour et merci !
C'est une question complexe qui mériterait un long développement pour répondre correctement. Disons simplement que Nietzsche reconnaît la puissance des prédictions scientifiques mais qu'il n'y voit ni une volonté de vérité authentique, ni une compréhension réelle de ces phénomènes. L'animal est également capable de « prédictions » : en constatant la liaison de deux phénomènes et en mémorisant cette liaison. Bien sûr il ne « comprend » pas la nature de cette liaison. Alors que la plupart des philosophes ont tendance à vouloir distinguer cette simple mémorisation animale et la connaissance scientifique humaine, Nietzsche a tendance à les présenter comme similaires : prédire et comprendre sont deux choses distinctes. Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une théorie est fonctionnelle et qu'elle permet des prédictions qu'elle est pour autant juste : je peux très bien prédire « la nuit arrive je vais donc avoir envie de dormir » comme si la nuit était la cause du sommeil ; cette affirmation est bien évidemment fausse mais il s'avère qu'elle peut tout de même prédire efficacement qu'à l'approche de la nuit je vais effectivement avoir envie de dormir. La capacité d'une théorie à être prédictive n'a jamais été un critère de vérité aux yeux de Nietzsche : c'est en ce sens qu'il critique souvent le « critère de l'efficacité ». Enfin et dernièrement, la façon dont nous cherchons les « lois de la nature » qui sous-tendent nos capacités de prédictions dépend entièrement de nos intérêts en tant que vivants, et en ce sens le réseau des lois naturelles ne reflète pas tant la structure objective du réel que les intérêts d'une forme de vie.
Dans le courant de la semaine prochaine une nouvelle vidéo arrive si cela vous intéresse (sur le thème de l'identité personnelle).
Merci encore pour votre écoute.
Merci et joyeux Noël
À Vous aussi !
Et voici le bienfait de l'insomnie,cela m'a emmené à déguster ce caviar que vous nous proposer, merci je découvre votre chaîne,je m'abonne direct,.Sans me tromper je pourrais dire que Nierzche est l'un des maîtres de philosophie de soupçon. par excellence,on sent que Freud l'avais lu même s'il n'a pas voulu l'avouer ?
Bonjour et merci pour votre écoute.
Il ne me semble pas qu'on ait de preuves que Freud ait lu Nietzsche, néanmoins c'est quelque chose d'assez établi en effet. Il y a en tout cas un point commun central : pour l'un comme pour l'autre la conscience n'est pas la partie principale de l'activité psychique. Ils n'ont par contre pas la même conception de l'inconscient. Mais ce sera peut-être pour une autre vidéo !
⚜⚜⚜
la verite est l'ordre naturel ; interdependence , unite , les capacite de la nature ... notres maitre-esse , notre pere , mere ect ... notres but est de decouvrir se qui se passerait si ont allait dans l'ordre des choses , commes la nature , en harmonie avec le tout . tout en prennant en compte le fait de l'amelioration de notres condition , sante , intelligence , capacite ect ... pendent se cheminement ... grossomodo