Jean RACINE - Bérénice - acte IV - scène 5

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  • Опубліковано 17 лют 2022
  • Scène V
    Titus, Bérénice
    BÉRÉNICE (en sortant)
    Non, laissez-moi, vous dis-je ;
    En vain tous vos conseils me retiennent ici,
    Il faut que je le voie. Ah ! Seigneur, vous voici !
    Eh bien ? il est donc vrai que Titus m'abandonne ?
    Il faut nous séparer ; et c'est lui qui l'ordonne !
    TITUS
    N'accablez point, Madame, un prince malheureux.
    Il ne faut point ici nous attendrir tous deux.
    Un trouble assez cruel m'agite et me dévore,
    Sans que des pleurs si chers me déchirent encore.
    Rappelez bien plutôt ce cœur qui tant de fois
    M'a fait de mon devoir reconnaître la voix.
    Il en est temps. Forcez votre amour à se taire,
    Et d'un œil que la gloire et la raison éclaire,
    Contemplez mon devoir dans toute sa rigueur.
    Vous-même, contre vous, fortifiez mon cœur,
    Aidez-moi, s'il se peut, à vaincre ma faiblesse,
    A retenir des pleurs qui m'échappent sans cesse ;
    Ou, si nous ne pouvons commander à nos pleurs,
    Que la gloire du moins soutienne nos douleurs,
    Et que tout l'univers reconnaisse sans peine
    Les pleurs d'un empereur et les pleurs d'une reine.
    Car enfin, ma Princesse, il faut nous séparer.
    BÉRÉNICE
    Ah ! cruel ! est-il temps de me le déclarer ?
    Qu'avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée.
    Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
    Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois
    Quand je vous l'avouai pour la première fois ?
    A quel excès d'amour m'avez-vous amenée ?
    Que ne me disiez-vous : « Princesse infortunée,
    Où vas-tu t'engager, et quel est ton espoir ?
    Ne donne point un cœur qu'on ne peut recevoir ».
    Ne l'avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre,
    Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ?
    Tout l'empire a vingt fois conspiré contre nous.
    Il était temps encore : que ne me quittiez-vous ?
    Mille raisons alors consolaient ma misère :
    Je pouvais de ma mort accuser votre père,
    Le peuple, le sénat, tout l'empire romain,
    Tout l'univers, plutôt qu'une si chère main.
    Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
    M'avait à mon malheur dès longtemps préparée.
    Je n'aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
    Dans le temps que j'espère un bonheur immortel,
    Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il désire,
    Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
    Lorsque tout l'univers fléchit à vos genoux,
    Enfin quand je n'ai plus à redouter que vous.
    TITUS
    Et c'est moi seul aussi qui pouvais me détruire.
    Je pouvais vivre alors et me laisser séduire ;
    Mon cœur se gardait bien d'aller dans l'avenir
    Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.
    Je voulais qu'à mes vœux rien ne fût invincible,
    Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible.
    Que sais-je ? j'espérais de mourir à vos yeux,
    Avant que d'en venir à ces cruels adieux.
    Les obstacles semblaient renouveler ma flamme,
    Tout l'empire parlait, mais la gloire, Madame,
    Ne s'était point encore fait entendre à mon cœur
    Du ton dont elle parle au cœur d'un empereur.
    Je sais tous les tourments où ce dessein me livre,
    Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
    Que mon cœur de moi-même est prêt à s'éloigner,
    Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner.
    BÉRÉNICE
    Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire :
    Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire,
    Que cette même bouche, après mille serments
    D'un amour qui devait unir tous nos moments,
    Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle,
    M'ordonnât elle-même une absence éternelle.
    Moi-même j'ai voulu vous entendre en ce lieu.
    Je n'écoute plus rien, et pour jamais : adieu...
    Pour jamais ! Ah, Seigneur ! songez-vous en vous-même
    Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
    Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
    Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
    Que le jour recommence et que le jour finisse,
    Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
    Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
    Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !
    L'ingrat, de mon départ consolé par avance,
    Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?
    Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.
    TITUS
    Je n'aurai pas, Madame, à compter tant de jours.
    J'espère que bientôt la triste Renommée
    Vous fera confesser que vous étiez aimée.
    Vous verrez que Titus n'a pu, sans expirer...
    BÉRÉNICE
    Ah Seigneur ! s'il est vrai, pourquoi nous séparer ?
    Je ne vous parle point d'un heureux hyménée ;
    Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée ?
    Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez ?
    Lu par Michel Garçon, professeur de phonétique française
    www.frenchphonetics.com
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