J'ai tant rêvé de toi, de Desnos - Y a-t-il une femme dans le poème ?

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  • Опубліковано 16 лис 2024

КОМЕНТАРІ • 13

  • @IsabelleLesquer
    @IsabelleLesquer 2 місяці тому +2

    Ce qui est bien dans l'analyse des textes, c'est l'enrichissement des lectures successives.
    A l'écoute de celle-ci (je n'avais pas creusé tant que ça la piste de la désincarnation), plusieurs choses me sont venues à l'esprit.
    D'abord dire à quel point la contrainte de neutralisation du genre des personnages répond à la thématique du fantôme du texte. C'est une contrainte-fantôme, à la fois évidente et palpable pour l'écrivain quand il a écrit son texte et quasi-invisible pour les lecteurices. Une contrainte en creux qui ne s'appuie pas sur le rajout d'un signe saillant dans la langue (figure de style, vocabulaire...) mais au contraire sur la suppression d'un signe saillant de la langue. D'ailleurs la contrainte-fantôme du lipogramme dans « La disparition » de Perec renvoie également à la thématique du fantôme.
    Pour ce qui est de la question du genre. Il me semble que la contrainte même oblige Desnos dans sa pratique d'écrivain à détourner les stéréotypes inhérents au style du poème amoureux (j'invite d'ailleurs tout le monde à le faire pour mesurer à quel point notre langue est genrée). Quel que soit les raisons pour lesquelles il l'a fait, dans ce poème, « je » refuse d'être un homme ( pour reprendre le titre de l'ouvrage de John Stoltenberg) et d'en porter les caractéristiques (pas de rapport à la séduction, à la puissance, au chant de la beauté de la personne aimée, l'ensemble des éléments corporels évoqués : corps - front - lèvres - poitrines ne sont pas genrés) et refuse que l'autre porte également des caractéristiques féminines. Et dans la société genrée et stéréotypée comme celle de Desnos, et d'autant plus pour un poème amoureux, on ne peut pas dire que ce soit un acte neutre et anodin. Ce choix de contrainte lui a fait traversé l'expérience pratique d'une interrogation du genre masculin et féminin et aussi une interrogation de l'expression poétique amoureuse hétéro-stéréotypée. Et ça, ces interrogations, ce sont les mêmes que traversent, pour des raisons différentes, les auteurices queers, qui vont donc utiliser des moyens stylistiques similaires à ceux du poème de Desnos pour neutraliser ou camoufler le genre des personnages. L'hétérosexualité de Desnos n'empêche pas le trouble dans le genre.

    • @ungraindelettres
      @ungraindelettres  2 місяці тому +1

      Wouah, un grand merci pour tout cela ! des lectures successives, peut-être comme un oignon qu'on épluche. Je t'épingle !

  • @sebastien_bailly
    @sebastien_bailly 2 місяці тому

    Merci pour cette lecture et la petite citation. Ton point de vue (mise en anthologie / réception) est très intéressant. Je pense pour ma part que le contexte nous dit que Desnos est sans doute passé à côté de ce qu’il écrivait (mais peut-il en être autrement). Tout ça est au cœur de ce que j’écris en ce moment (la question du genre, l’amour absolu et les fantômes). On en reparlera donc, j’espère.

    • @ungraindelettres
      @ungraindelettres  2 місяці тому

      mais cette contrainte/spécificité, ce pourrait être un hasard pour toi ? la politique est autre ! Comme on le trouve dans Le roi pâle, "toutes les histoires d'amour sont des histoires de fantômes" (j'en parlais là: ua-cam.com/video/9Q4h7TS6Nwo/v-deo.html&ab_channel=ungraindelettres et enfer, la date: la dernière tournée avant la mort de papa) - et ça m'a complètement abandonnée avec le deuil. Oui ! j'ai des nouvelles aussi, faut une table pour partager ça !

    • @sebastien_bailly
      @sebastien_bailly 2 місяці тому

      Pour moi, ça peut être un hasard, oui. Mais ça ne rend pas la réception moins intéressante.

    • @ungraindelettres
      @ungraindelettres  2 місяці тому

      @@sebastien_bailly On va finir par demander à des spécialistes 😅

    • @IsabelleLesquer
      @IsabelleLesquer 2 місяці тому +2

      @@sebastien_bailly Quand on étudie l'énonciation queer (j'ai pu voir ça chez Garretta dans Sphinx, chez Etienne Daho particulièrement) il y a tout un panel de techniques récurrentes pour cacher le genre des personnages : pas d'utilisation de la copule et donc de l'attribut, d'adjectifs genrées directement avec "je"( déjà ça c'est coton). Genrage des parties du corps et utilisation d'images (ici fantome, ombre) qui porte le genre à la place de "je", utilisation de l'adresse, du "on" du "nous", bref on évite la troisième personne, utilisation de l'adverbe "debout" qui est le seul élément caractéristique du corps invariable. Et puis un texte entier amoureux sans aucune caractéristique énonciative, grammaticale et thématique genrée, à part "la seule" ça fait beaucoup. Il faut vraiment tenter l'expérience d'écrire au neutre pour constater qu'il est impossible de le faire par hasard.

    • @sebastien_bailly
      @sebastien_bailly 2 місяці тому +1

      @@IsabelleLesquer merci.
      Se trouve, mais bien trop tôt pour montrer, que mon travail en cour est totalement tourné dans cette direction. Pas d’un point de vue théorique, mais en tant qu’écrivain. Ce que vous dites sur la contrainte fantôme, c’est exactement ça.
      Je suis dans l’émotion et l’écriture plus que dans la théorie littéraire. Et pour plein de raisons, je voudrais pouvoir vous en dire plus… il faudrait qu’on se parle autour de mes deux derniers manuscrits : j’ai l’impression, en vous lisant de découvrir le sens de ce qui les lie.
      Bref, je pense néanmoins qu’on ne doit pas écarter le contexte dans lequel le poème de Desnos paraît en recueil. (Mais je suis assez touché par l’idée d’un amour qui desexualise).
      Reste que merci, vraiment pour l’ouverture de cette discussion. Prêt à en dire plus autour d’un verre.

  • @arsene9093
    @arsene9093 2 місяці тому +2

    Je suis hétéro mais je sais bien qu'à l'infini les genres fusionnent. Une religieuse catholique m'a expliqué que dieu était à la fois homme et femme . Israël est féminin aux yeux de Dieu, elle est Myriam. Quand on aime intensément, le genre n'a plus aucune importance, c'est l'être qui est appelé, convoqué, tendrement sommé d'aimer. Ps, personne n'a jamais pensé à m'inventer mais le contraire n'est pas inenvisageable et je suis athée. J'adore votre analyse

    • @ungraindelettres
      @ungraindelettres  2 місяці тому

      Merci pour vos mots ! Desnos semble proche de quelque chose de ce genre…

    • @arsene9093
      @arsene9093 2 місяці тому

      @@ungraindelettres ça veut peut-être dire que je dois lire Desnos. Je vous avoue que je n'ai pas de réelle culture littéraire mais que j'ai la sensation que des univers m'échappent. J'ai découvert il y a peu, Poèmes Troubles de Marguerite Burnat Provins. Je me suis senti très proche d'elle, ça rejoint ce que j'ai ressenti en vous écoutant.

    • @ungraindelettres
      @ungraindelettres  2 місяці тому +1

      @@arsene9093 Essayez ! ce n'est pas grave si ça ne marche pas (et ça se trouve en bibliothèque ou d'occasion, Desnos: c'est l'avantage)