Hervé CASTANET : "*Les Paravents* de Jean GENET - Le théâtre comme tas d'ordures"

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  • Опубліковано 17 сер 2020
  • "Les Paravents" est une pièce de théâtre de Jean Genet - probablement son chef-d’œuvre - dont la première représentation en France, au théâtre l’Odéon (Paris), en 1966, fit scandale. Genet est très clair : ce n’est pas une pièce sur la guerre d’Algérie. « Les pièces habituellement, dit-on, auraient un sens : pas celle-ci. C’est une fête dont les éléments sont disparates, elle n’est la célébration de rien. » Impossible assurément de résumer Les Paravents : plus de cent personnages, seize tableaux. C’est la guerre. Fellagas et légionnai¬res s’affrontent, pendant qu’autour d’eux s’agitent travailleurs arabes et colons, prostituées et gendarmes. Dans cette pièce - point déterminant - les morts parlent. Nous y reviendrons.
    Parmi ces personnages, il y a Saïd et sa mère. Écoutons Genet décrire : « les costumes, indiquant la misère de Saïd et de sa mère, seront somptueux […]. Maquillage de la mère : de longues rides mauves, très nombreuses comme une toile d’araignée sur la figure […]. Saïd : le creux des joues très noir, et autour, des pustules jaunâtres - ou verdâtres. » Le mot a été lâché : Saïd et sa mère sont d’une misère absolue - ils sont le rebut, le déchet d’une société. Ils sont laids, sales, puants de pourriture. Bref, ils présentifient la saloperie dégagée de toute enveloppe agalmatisée. C’est une famille qui s’enlise dans l’avilissement : de la « racaille », dit Genet. Entendons les mots de la mère : « Il y a dans chaque village un petit terrain qui pue et qu’on appelle la décharge publique […]. C’est là qu’on empile toutes les ordures du pays. Chaque décharge a son odeur […] dans mes narines, il reste encore l’odeur de nos poubelles […] que j’ai reniflées toute ma vie et c’est elle qui me composera ici quand je serai tout à fait morte et j’ai bien l’espoir de pourrir aussi la mort […]. Je veux que ce soit ma pourriture qui pourrisse mon pays ».
    À une autre occasion, elle clame : « je me nourris de ce qui pourrit sous la terre ». Comme lui dit une femme arabe du village : « Je sais que tu es à tu et à toi avec ce qui n’a plus de nom sur la terre. » Son rôle sera de détruire : « Qu’elle dévaste ! Qu’elle dévaste ! » Voilà la place qu’on lui reconnaît. Saïd est tellement pauvre qu’il n’a pu épouser que Leïla, « la plus laide femme du pays d’à côté et de tous les pays d’alentour ». Elle est si laide qu’elle porte en permanence une cagoule noire. À cette laideur, cette misère, cet insupportable, Saïd ne se résigne pas - il ne les subira pas passivement. Saïd n’est pas une victime qui répond à l’abjection de l’Autre par le désespoir lyrique toujours soutenu par une position masochique. Précisément, de cette laideur, de cette misère, de cet insupportable de Leïla, il en fait son destin : « Saïd : - Tu n’as plus rien à craindre. Leïla : - Si. Un bout de miroir. Leila sort un peigne et veut se peigner. Saïd, en colère : - N’y touche pas ! (il arrache le peigne des mains de Leïla et le casse). Je veux que le soleil, que l’alfa, que les pierres, que le sable, que le vent, que la trace de nos pieds se retournent pour voir passer la femme la plus laide du monde et la moins chère : ma femme. Et je ne veux plus que tu torches tes yeux, ni ta bave, ni que tu te mouches, ni que tu te laves. » Et Leïla de lui répondre : « Je t’obéirai […] Mais moi, je veux - c’est ma laideur gagnée heure par heure, qui parle […] - que tu cesses de regarder en arrière. Je veux que tu me conduises sans broncher au pays de l’ombre et du monstre. Je veux que tu t’enfonces dans le chagrin sans retour, je veux - c’est ma laideur gagnée minute par minute qui parle - que tu sois sans espoir. Je veux que tu choisisses le mal et toujours le mal […] je veux que tu refuses l’éclat de la nuit […]. Je sais où nous allons, Saïd, et pourquoi nous y allons. »
    Dans "Les Paravents", c’est au feu de la destruction que les images de l’idéal du moi sont passées. Rien n’y résiste - et c’est bien sur un trou, un impossible de toute figuration, un impossible de tout dire, que butera tout lecteur ou spectateur : son propre petit tas d’ordures sans nom ni image.
    Telle est donc l’une des leçons du théâtre de Genet : « […] que le mal sur la scène, écrit-il, explose, nous montre nus, nous laisse hagards […] n’ayant de recours qu’en nous […] l’œuvre sera une explosion active. » Pour l’obtenir, fallait-il encore ce franchissement - dont Genet sut exceptionnellement se faire le témoin et le scribe dans ses "Paravents".
    Cette vidéo essaye d'assurer cette démonstration en lisant Genet avec attention - soit à la "lettre"...
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КОМЕНТАРІ • 3

  • @zahragoulailiz762
    @zahragoulailiz762 Місяць тому

    Je vais, ce soir, assister au spectatcte à l'Odéon, merci beaucoup pour cette mise en situation.

  • @yaelbacry
    @yaelbacry 3 роки тому

    Merci !

  • @colorizedenhanced-silentmo9027
    @colorizedenhanced-silentmo9027 3 роки тому

    Good afternoon, Hervé CASTANET-chaîne MI-DIT. it's exceptionally picturesque video. thank. :)