En 2011, il semblait qu’une biographie de Limonov venait de paraître, qu’elle était traduite dans un pays après l’autre, et qu’on pouvait s’en réjouir. Mais hélas. Ce livre n’a pas servi de publicité aux œuvres de Limonov lui-même. Le livre de Carrère… qui est, en réalité, un long article de type encyclopédique pour Wikipédia, où les romans et nouvelles de Limonov sont simplement résumés dans un ordre chronologique, a fini par engloutir l’objet de son récit. On a commencé à rééditer les livres de Limonov, certains ont même été traduits pour la première fois, mais sans campagne de promotion ni soutien, tout cela s’est éteint. Limonov n’a jamais été un sans-abri. Il vivait à l’hôtel « Winslow », situé à Manhattan, près de Central Park. À Moscou, Édouard n’avait ni résidence officielle ni emploi déclaré. Il y cousait des pantalons sur mesure (on connaît une veste qu’il a confectionnée) et imprimait ses poèmes, qu’il vendait sous forme de cahiers (samizdat). Il avait calculé qu’au cours de ses années à Moscou, il avait ainsi imprimé et vendu 8.000 exemplaires. (C’est d’ailleurs un bon exemple pour parler du communisme. Ceux qui le voulaient pratiquaient une forme d’entrepreneuriat privé, bien que cela fût officiellement interdit.) Aux États-Unis, toutefois, il était impossible de gagner sa vie en cousant des pantalons ou en vendant des poèmes. Il devait donc travailler comme ouvrier polyvalent. Pendant ses premiers mois à New York, Édouard a été correcteur dans un journal russe. Il a également écrit en 1975 une vingtaine de textes, dont l’un des derniers s’intitulait « Déception ». Ce texte a été cité dans des journaux soviétiques, ce qui a conduit au licenciement de Limonov. Cette même année, sa femme Elena l’a quitté. En quatre mois, il a écrit le roman « C’est moi - Édichka ». Ce roman d’un débutant, écrit en 1976, n’a été publié en russe qu’en 1979 (essentiellement pour la diaspora russe, car sa publication en URSS était impossible). Les éditeurs américains ont refusé de publier le livre. Finalement, après bien des recherches, « Le Poète russe préfère les grands n****s » a été publié en 1980 par une maison d’édition parisienne. C’est ce qui a motivé son déménagement à Paris. À partir de ce moment, Édouard a vécu exclusivement de son travail littéraire et journalistique, et cela jusqu’à sa mort. Sa bibliographie est impressionnante, avec plus de 80 ouvrages. Si l’on ajoutait l’intégralité de ses essais et journaux (qui sont très intéressants), cela ferait une dizaine de livres supplémentaires. Limonov était un écrivain de premier ordre, un auteur d’exception. Mais cela, apparemment, n’intéresse personne. Ce qui fascine, c’est Limonov le clochard, Limonov le majordome, Limonov le fasciste… enfin, toutes ces absurdités que l’on retrouve dans chaque article à son sujet. Parler de fascisme serait risible si ce n’était pas si triste. Limonov n’a jamais été fasciste. Au fait, personne ne l’a remarqué, mais en 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a enfin examiné la plainte de Limonov concernant le refus d’enregistrer son parti et son interdiction en 2007. Quinze ans après le dépôt de la plainte, la cour a jugé cette interdiction injustifiée et a accordé une compensation de 10.000 euros à ses enfants, Bogdan et Alexandra (Limonov est mort en 2020). Autrement dit, la cour européenne a refusé de qualifier ce parti d’extrémiste. Mais la cour européenne ne fait pas loi en Russie, et le parti reste interdit. Quant au film, il est totalement mensonger, tant dans les détails que dans l’ensemble. Tout comme le réalisateur lui-même, qui ment sans cesse (désormais à la presse française). Mais comme la presse ne sait rien de Limonov, ses mensonges passent sans contradiction. C’est la vie! Et comme on dit en Russie, « pardonnez mon français » quand on jure. 😎
Je trouve assez drôle de vous croiser sous toutes les vidéos relatives à Limonov, ahah. Cela montre à quel point le sujet vous passionne ! Je suis d'accord pour dire qu'un tel personnage mérite une analyse plus approfondie que celle proposée par le film ou le livre de Carrère... Mais il s'agit de divertissement, ce qui signifie qu'il faut parfois accepter de voir l'accent mis sur des aspects précis de sa vie. Ici, son côté disruptif, bien que cela se fasse au détriment de sa complexité. En tout cas, merci d'enrichir le débat même si nos avis diffèrent !
@@novartistique Je suis vraiment désolé si je peux paraître comme un troll qui rôde autour de ce sujet. Eh bien, soit. Mais en réalité, je travaille sur les archives de Limonov, rassemblant tout ce qu'il a écrit ainsi que tout ce qui est écrit ou dit sur lui. Malheureusement, UA-cam n'aime pas les liens dans les commentaires. Dans la collection dédiée à ce film, il y a déjà presque 1000 entrées... Je pense qu'avant la fin de l'année, je « célébrerai » un triste anniversaire. Et, bien sûr, quand on lit cette masse de bêtises, d'inexactitudes et de mensonges, on est parfois obligé de tout commenter.
@@alexeyevseev2694 Ne vous en faites pas, un troll serait bien moins pertinent dans ses messages ! J'ai bien reçu le lien sur Twitter, merci pour les explications sur votre démarche. Je dois avouer être impressionnée par l'ampleur de la tâche - et la passion que vous mettez dedans. Au plaisir d'échanger à nouveau, même sous d'autres vidéos !
Super vidéo, ça donne envie d'aller le voir !!
En 2011, il semblait qu’une biographie de Limonov venait de paraître, qu’elle était traduite dans un pays après l’autre, et qu’on pouvait s’en réjouir. Mais hélas. Ce livre n’a pas servi de publicité aux œuvres de Limonov lui-même. Le livre de Carrère… qui est, en réalité, un long article de type encyclopédique pour Wikipédia, où les romans et nouvelles de Limonov sont simplement résumés dans un ordre chronologique, a fini par engloutir l’objet de son récit. On a commencé à rééditer les livres de Limonov, certains ont même été traduits pour la première fois, mais sans campagne de promotion ni soutien, tout cela s’est éteint.
Limonov n’a jamais été un sans-abri. Il vivait à l’hôtel « Winslow », situé à Manhattan, près de Central Park. À Moscou, Édouard n’avait ni résidence officielle ni emploi déclaré. Il y cousait des pantalons sur mesure (on connaît une veste qu’il a confectionnée) et imprimait ses poèmes, qu’il vendait sous forme de cahiers (samizdat). Il avait calculé qu’au cours de ses années à Moscou, il avait ainsi imprimé et vendu 8.000 exemplaires. (C’est d’ailleurs un bon exemple pour parler du communisme. Ceux qui le voulaient pratiquaient une forme d’entrepreneuriat privé, bien que cela fût officiellement interdit.)
Aux États-Unis, toutefois, il était impossible de gagner sa vie en cousant des pantalons ou en vendant des poèmes. Il devait donc travailler comme ouvrier polyvalent. Pendant ses premiers mois à New York, Édouard a été correcteur dans un journal russe. Il a également écrit en 1975 une vingtaine de textes, dont l’un des derniers s’intitulait « Déception ». Ce texte a été cité dans des journaux soviétiques, ce qui a conduit au licenciement de Limonov. Cette même année, sa femme Elena l’a quitté. En quatre mois, il a écrit le roman « C’est moi - Édichka ». Ce roman d’un débutant, écrit en 1976, n’a été publié en russe qu’en 1979 (essentiellement pour la diaspora russe, car sa publication en URSS était impossible).
Les éditeurs américains ont refusé de publier le livre. Finalement, après bien des recherches, « Le Poète russe préfère les grands n****s » a été publié en 1980 par une maison d’édition parisienne. C’est ce qui a motivé son déménagement à Paris. À partir de ce moment, Édouard a vécu exclusivement de son travail littéraire et journalistique, et cela jusqu’à sa mort. Sa bibliographie est impressionnante, avec plus de 80 ouvrages. Si l’on ajoutait l’intégralité de ses essais et journaux (qui sont très intéressants), cela ferait une dizaine de livres supplémentaires. Limonov était un écrivain de premier ordre, un auteur d’exception. Mais cela, apparemment, n’intéresse personne. Ce qui fascine, c’est Limonov le clochard, Limonov le majordome, Limonov le fasciste… enfin, toutes ces absurdités que l’on retrouve dans chaque article à son sujet.
Parler de fascisme serait risible si ce n’était pas si triste. Limonov n’a jamais été fasciste. Au fait, personne ne l’a remarqué, mais en 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a enfin examiné la plainte de Limonov concernant le refus d’enregistrer son parti et son interdiction en 2007. Quinze ans après le dépôt de la plainte, la cour a jugé cette interdiction injustifiée et a accordé une compensation de 10.000 euros à ses enfants, Bogdan et Alexandra (Limonov est mort en 2020). Autrement dit, la cour européenne a refusé de qualifier ce parti d’extrémiste. Mais la cour européenne ne fait pas loi en Russie, et le parti reste interdit.
Quant au film, il est totalement mensonger, tant dans les détails que dans l’ensemble. Tout comme le réalisateur lui-même, qui ment sans cesse (désormais à la presse française). Mais comme la presse ne sait rien de Limonov, ses mensonges passent sans contradiction. C’est la vie! Et comme on dit en Russie, « pardonnez mon français » quand on jure.
😎
Je trouve assez drôle de vous croiser sous toutes les vidéos relatives à Limonov, ahah. Cela montre à quel point le sujet vous passionne !
Je suis d'accord pour dire qu'un tel personnage mérite une analyse plus approfondie que celle proposée par le film ou le livre de Carrère... Mais il s'agit de divertissement, ce qui signifie qu'il faut parfois accepter de voir l'accent mis sur des aspects précis de sa vie. Ici, son côté disruptif, bien que cela se fasse au détriment de sa complexité.
En tout cas, merci d'enrichir le débat même si nos avis diffèrent !
@@novartistique Je suis vraiment désolé si je peux paraître comme un troll qui rôde autour de ce sujet. Eh bien, soit. Mais en réalité, je travaille sur les archives de Limonov, rassemblant tout ce qu'il a écrit ainsi que tout ce qui est écrit ou dit sur lui. Malheureusement, UA-cam n'aime pas les liens dans les commentaires. Dans la collection dédiée à ce film, il y a déjà presque 1000 entrées... Je pense qu'avant la fin de l'année, je « célébrerai » un triste anniversaire. Et, bien sûr, quand on lit cette masse de bêtises, d'inexactitudes et de mensonges, on est parfois obligé de tout commenter.
@@alexeyevseev2694 Ne vous en faites pas, un troll serait bien moins pertinent dans ses messages ! J'ai bien reçu le lien sur Twitter, merci pour les explications sur votre démarche. Je dois avouer être impressionnée par l'ampleur de la tâche - et la passion que vous mettez dedans. Au plaisir d'échanger à nouveau, même sous d'autres vidéos !