Aujourd'hui, nous explorons l'idée de FORMALISME en architecture. Un aperçu des réalisations architecturales depuis l'indépendance, démontre toute la difficulté d'identifier des bâtiments présentant des caractéristiques de qualité architecturale et urbaine, malgré la quantité respectable des édifices réalisés. Il y a très peu d'exemples qui valent la peine d'être cités. Pourtant, le paysage urbain de la ville algérienne notamment dans sa partie précoloniale et coloniale comprend de nombreux édifices emblématiques qui ont marqué l'imaginaire collectif de dizaines d'Algériens. Les grands équipements publics comme les hôtels de ville, des postes ou les sièges de l'administration politique sont des témoignages architecturaux frappants de leur époque. Pour n'en citer que quelques-uns, la grande poste et le siège de la wilaya, sont des points de repère dans le paysage urbain de la ville d’Alger. Il en est de même pour Oran, Constantine, Annaba, Sétif, Sidi Bel Abbes, Mostaganem et presque toutes les villes transformées par l'urbanisme du 18 et du 19e siècle.
Dans les années post-indépendance, de nombreux architectes ayant choisi de travailler et de vivre en Algérie ont émergé, tels que Simounet, Cottin Euziol, Ravereau, Deluz, etc., qui, par leurs réalisations, ont marqué le paysage urbain. Sans oublier évidemment l’œuvre de Fernand Pouillon, qui à lui seul construira l'équivalent d'une ville en Algérie et marquera tous les paysages de son empreinte. Tous ces architectes nous ont légué des œuvres qui demeurent des jalons dans notre paysage architectural.
Dans les années 70, les pouvoirs publics ont invité de grands architectes à construire des installations célèbres, dont Pouillon, Kenzo Tange, Ricardo Bofill, Mustapha Moussa et Oscar Niemeyer, pour n'en citer que quelques-uns. Les travaux de construction s'inscrivent dans la volonté de doter le pays d'une infrastructure moderne à caractère universel. En plus des grands équipements, qui ont été confiés à des architectes de renom, des équipements plus petits, mais beaucoup plus nombreux, ont été construits par de jeunes architectes formés à l'Université algérienne et par des coopérants, principalement issus des anciens pays d'Europe de l'Est, et employés dans des bureaux d’études publics. Et même si la plupart de ces projets ont été conçus selon une logique fonctionnaliste, dans un style sobre, épuré et résolument moderniste, ils restent aujourd’hui les témoins impuissants d’une « Algérie qui a failli exister », pour paraphraser Mohamed Larbi Merhoum.
Les années 80 ont vu l'achèvement de nombreux projets tels que le complexe Ryadh El Feth et la Bibliothèque nationale. Ces projets sont conçus dans le plus pur style postmoderne générique.
Dans les années 1990, sous l'effet conjugué de divers facteurs tels que l'instabilité sécuritaire et la crise économique, aucun équipement majeur n'a été construit.
La libéralisation du métier d'architecte dans les années 1990 a permis à de nombreux architectes de produire de nombreux bâtiments. Ces derniers, s'ils satisfont les besoins en quantité (la plupart n'avaient pas de formation solide, mais une bonne maîtrise des heuristiques qui leur permettaient d’avoir un plan de charge), restent très insuffisants en termes de qualité, notamment dans la construction d'espaces urbains et la fabrication d’une image forte. Sur le plan architectural, la plupart de ces édifices se caractérisent par un formalisme débridé, un éclectisme résultant d’un assortiment douteux de répertoires décoratifs et constructifs issus du patrimoine local et de matériaux et textures contemporains.
En définitive, s'il faut résumer les approches conceptuelles, on observera qu'elles se caractérisent avant tout par le formalisme. Le regretté Jean Jacques Deluz, en précurseur éclairé, a rédigé une série de chroniques disant son inquiétude face à la tendance "formaliste" qui semble prédominer dans le paysage architectural algérien.
Auguste Perret disait : « C’est par la splendeur du vrai que l’édifice atteint à la beauté ». Ce postulat existe depuis Vitruve et c’est la matrice à l’aune de laquelle on juge la vérité structurelle d’une œuvre qui dans l’histoire de la critique architecturale, a toujours été synonyme de beauté. Von Meiss (1986), affirme que « c’est seulement lorsque forme et technique entretiennent un rapport équilibré, faisant chacune valoir ses capacités et revendications, c’est lorsque ni la technique ni la forme ne tente d’éblouir pour elle-même que nous approchons l’architecture, l’honnêteté technique ne doit pas primer sur l’honnêteté globale ».